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Monsieur Blanquer, vous n’avez pas le monopole de l’intérêt supérieur de l’enfant
Coordination inter-asso IEF
Article mis en ligne le 2 février 2021

L’article 21 du projet de loi « confortant le respect des principes de la République » prévoit de mettre fin au libre choix de l’instruction en famille sous des prétextes fallacieux. Non, Monsieur Blanquer, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ne saurait être invoqué pour justifier une violation de ses droits.

Avec l’article 21 du projet de loi « confortant le respect des principes de la République », le gouvernement veut imposer une restriction de liberté majeure et historique à tous les enfants dès 3 ans et à leurs parents, sans se soucier de leur point de vue.
Lors des débats en Commission spéciale du 22 janvier dernier, Monsieur Blanquer, vous avez prétendu agir « pour le bien des enfants » et affirmé que « cette loi [allait] permettre de préciser et de renforcer la liberté d’enseignement ». Dans l’étude d’impact du gouvernement, vous anticipez pourtant la scolarisation imposée de 30 000 enfants actuellement instruits en famille. Est-ce là votre conception de la liberté ? Où sont les chiffres censés justifier une mesure si autoritaire ? L’objectif recherché serait-il différent de celui annoncé ? (1)

Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ne saurait être invoqué pour justifier une violation de ses droits

Les enfants sont des êtres humains dotés de droits. Ils n’appartiennent évidemment ni à leurs parents ni à l’État. L’autorité parentale, définie comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant », appartient quant à elle aux parents jusqu’à la majorité de l’enfant (Code civil 371-1). C’est en effet aux parents que la loi républicaine et les conventions internationales ont confié, par priorité, la liberté fondamentale de choisir le genre d’éducation et d’enseignement à donner à leurs enfants

Monsieur Blanquer, le Commissaire aux droits de l’Homme, Monsieur Thomas Hammarberg, s’adresserait-il à vous lorsqu’il indique que : « Des gouvernements [...] invoquent parfois indûment le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant pour justifier des mesures qui, en réalité, portent atteinte à ses droits [...] Ces mesures procèdent toutes, non d’un souci véritable de l’intérêt de l’enfant, mais d’une condescendance extrême […] Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ne saurait être invoqué pour justifier une violation de ses droits. » ? (2)

La défenseure des droits, Madame Claire Hédon, ne s’y est pas trompée et l’a clairement exprimé devant la Commission spéciale : « On n’a [...] pas d’incompatibilité de principe entre une école républicaine et la liberté laissée aux parents sur les modalités pratiques de l’instruction dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant [...] Bien que la valeur constitutionnelle de [la] liberté [d’enseigner des parents] ait été reconnue [...] elle se trouve très amoindrie par cet article [...] Je tiens à rappeler que l’ensemble des mesures [...] doivent être subordonnées dans leur conception comme dans leur mise en œuvre à la considération de l’intérêt supérieur de l’enfant. » (3) (...)

Cette liberté de choix est fondamentale. Elle ne peut, ni ne doit, être soumise à l’arbitraire administratif.

Certes, il revient à l’État de contrôler l’usage qui est fait de l’autorité parentale et, si nécessaire, de sanctionner ou même suppléer. A posteriori, en cas de manquement ou de défaillance parentale avérée, et non a priori, sur la base de préjugés ou de présomptions infondés. (...)

Loin de la renforcer, l’article 21 du projet de loi est une atteinte grave à la liberté d’enseignement, principe de la République s’il en est. (...)