
Alors que la France est secouée par une vague d’émeutes liées à la mort de Nahel, tué par un policier, l’ancien patron de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de Toulouse et "père" de la police de proximité, Jean-Pierre Havrin, explique à la Dépêche du Midi quelles solutions permettraient de sortir de cette crise.
Alors que la France est secouée par une vague d’émeutes liées à la mort de Nahel, tué par un policier, l’ancien patron de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de Toulouse et "père" de la police de proximité, Jean-Pierre Havrin, explique à la Dépêche du Midi quelles solutions permettraient de sortir de cette crise. (...)
La Dépêche du Midi : Pourquoi le scénario de l’embrasement était attendu et ne surprend pas ?
Jean-Pierre Havrin : Cela devient un grand classique. Le processus est le même depuis de longues années. Quand j’étais en poste, c’était pareil : les mêmes causes ont les mêmes effets. La police de proximité avait l’avantage de s’attaquer à ces causes justement. L’idée était d’instiguer un rapprochement et de faire diminuer le fossé actuel entre la police et la population. Désormais, on met les moyens pour éteindre l’incendie mais il faut privilégier les moyens nécessaires à prévenir cet incendie. Mais malheureusement, la prévention ne se mesure pas et les politiques n’aiment pas les chiffres. (...)
Quelles décisions concrètes peuvent-elles être prises pour éteindre cet incendie ?
En ce moment, la police doit se cantonner à limiter les dégâts et à la protection des personnes avec des dispositifs de maintien de l’ordre typiques. Il faut garder l’équilibre avec comme première urgence de ramener le calme. Il ne faut pas donner l’impression que la violence paie. Mais si on en reste là, le processus restera le même. C’est quand les émeutes seront terminées qu’il faudra prendre les bonnes décisions. La police et la politique doivent s’attaquer aux causes et pas aux effets car il est anormal que la police soit devenue l’adversaire de la population. (...)
C’est très simple, la question à laquelle on souhaitait répondre avec la police de proximité était : est-ce que la police est au service du pouvoir politique ou du citoyen ? On peut être très proche de la population tout en étant très fermes. Nicolas Sarkozy nous reprochait un manque d’efficacité mais en réalité notre taux de réussite judiciaire était très bon.
Il faut repenser et remettre à plat tout cela sans attendre le prochain évènement. Sinon, on rentre dans un cercle vicieux. Les dispositions comme l’état d’urgence me semblent être des gesticulations politiques, je pense qu’il faut y aller doucement. Les politiques profitent de ces évènements mais ils devraient se préoccuper de l’intérêt général. (...)
Le fossé s’est agrandi, c’est certain... (...)
Pendant les quatre années durant lesquelles on a pu appliquer la police de proximité à Toulouse, un véritable lien s’est créé. Les riverains ont énormément apprécié cette mesure et en gardent un bon souvenir. Un cercle vertueux s’était mis en place. (...)
La police de proximité était basée sur ce constat : il faut éduquer les jeunes pour leur faire comprendre que la police n’est pas un adversaire. La police servait à mettre de l’huile dans les rouages de la société.
Si le remède miracle n’existe pas, les solutions qui prennent trop de temps sont balayées par les politiques qui veulent tout dans le temps de leur mandat. Et comme le problème n’est jamais traité sérieusement, on se contente d’éteindre les incendies.