
Au terme de deux ans d’enquête, le Défenseur des droits a publié jeudi 1er décembre un rapport sur les circonstances de la mort de Rémi Fraisse à Sivens. Il pointe les lacunes de l’encadrement et la responsabilité d’une partie de la chaîne de commandement.
Il avait déjà été blanchi en décembre 2014 par un rapport de l’IGGN (Inspection générale de la gendarmerie nationale). Le maréchal des logis J., auteur du lancer de grenade offensive qui a tué Rémi Fraisse à Sivens (Tarn), a cette fois été dédouané par le Défenseur des droits, Jacques Toubon. Dans une décision datée du 25 novembre 2016 et rendue publique le 1er décembre, l’autorité administrative indépendante juge que le gendarme n’a pas « commis d’imprudence et n’a pas manqué à ses obligations déontologiques et professionnelles ».
Les sites d’information ont repris en boucle la dépêche signalant cette décision. Mais en laissant dans l’ombre les autres constats, pourtant cruciaux, consignés dans ce rapport précis et circonstancié de 28 pages. (...)
Le Défenseur des droits constate d’abord un « manque de clarté et les incompréhensions entourant les instructions données aux forces de l’ordre par l’autorité civile » ce soir-là à Sivens. A titre d’exemple : les consignes contradictoires d’apaisement et de fermeté formulées par la hiérarchie.
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L’homme qui supervisait la totalité des opérations de maintien de l’ordre était le commandant de gendarmerie du Tarn, le lieutenant-colonel Rénier, qui a depuis été promu au grade de colonel. Il affirme avoir reçu des consignes d’apaisement du ministère de l’Intérieur, via le Directeur général de la gendarmerie nationale, Denis Favier.
Or, sur la Zad, c’est un « dispositif de défense ferme » qui est mis en place selon l’aveu même des gendarmes. Le commandant Loddé, qui depuis a été promu au grade de lieutenant-colonel, chef du groupement tactique de gendarmerie dirigeait les unités de militaires ce soir-là. Il avait affirmé dans l’enquête préliminaire que le préfet du Tarn avait demandé de faire preuve « d’une extrême fermeté ». Auditionné par le Défenseur des droits, il revient sur ses déclarations et soutient qu’il n’a pas reçu de consignes directes du préfet, mais qu’il a « considéré que le commandant du Groupement de gendarmerie du Tarn souhaitait de la fermeté ». La question du retrait un moment envisagé des troupes de gendarmerie est tout aussi brumeuse. Autant d’incohérences soulignées par le Défenseur des droits qui souligne que ses « investigations (…) n’ont pas permis de dissiper la confusion qui entoure le contenu exact des instructions données aux forces de l’ordre par autorité civile ».
Une autorité civile absente
Car selon ce rapport, c’est bien l’autorité civile qui est responsable. Comme le révélait Reporterre dans son enquête sur la mort de Rémi Fraisse, elle est absente ce soir-là. Une absence qui, dans le cadre d’ « une situation tendue et violente, n’est pas admissible » remarque le Défenseur des droits. (...)
Comment l’autorité civile compétente a-t-elle pu laisser « le choix de l’adaptation des objectifs et du dispositif à mettre en oeuvre (…) à la seule appréciation de la hiérarchie opérationnelle sur le terrain », selon les termes du Défenseur des droits, alors que cette opération était un rétablissement de l’ordre de haute intensité, soit un quasi état de guerre ? (...)