
L’avocat Yassine Bouzrou se félicite du dépaysement de l’enquête sur la mort de Zineb Redouane, tuée par une grenade lacrymogène reçue en pleine figure en fermant ses volets en marge des manifestations des gilets jaunes et contre l’habitat indigne
Le 1er décembre 2018, en marge des manifestations des gilets jaunes et contre l’habitat indigne, Zineb Redouane, 80 ans, a reçu une grenade lacrymogène en pleine figure en fermant ses volets. Elle est décédée le lendemain à La Conception d’un choc opératoire. Jeudi, la cour d’appel d’Aix a finalement accédé à la demande de l’avocat de la famille de la victime, Me Bouzrou, qui réclamait un dépaysement, loin de Marseille, de cette enquête qu’il juge "catastrophique..." (...)
Vous estimez la justice marseillaise partiale ?
Yassine Bouzrou : Dès le début, le procureur de la République a communiqué des éléments totalement faux à la presse. Il a affirmé qu’il n’y a aucun lien de cause à effet entre la grenade reçue et le décès. Il faut faire preuve d’une sacrée mauvaise foi... Au regard des éléments qui existent le jour où il s’exprime, il sait pertinemment que ce qu’il dit est mensonger. L’autopsie avait, au contraire, clairement indiqué que madame Redouane était décédée durant une opération rendue obligatoire par la grenade reçue en pleine tête. Cette dame est morte dans des conditions atroces. On a des photos d’elle avant son décès. Elles sont insoutenables. La grenade lui a explosé au visage, au point de le noircir. Et lui a causé une énorme fracture. Quand des journalistes écrivent qu’elle a été touchée par des éclats, c’est de la désinformation. Le problème, c’est que les éléments de langage du procureur ont été repris par tout le monde, à commencer par les politiques. À plusieurs reprises, que ce soit le ministre de l’Intérieur ou le Président, le message a été de dire qu’il n’y a eu aucun mort, de près ou de loin, pendant les manifestations des gilets jaunes. Aucun mort où on pourrait éventuellement mettre en cause les forces de l’ordre. (...)
Le dépaysement tient à un tout autre motif. Un magistrat du parquet était présent sur les lieux et cela pourrait créer une "forme de suspicion"...
Yassine Bouzrou :
C’est bien tombé, on va dire. De savoir en effet qu’un magistrat du parquet était là, ça permet de craindre un peu plus sur l’objectivité de l’enquête menée au TGI de Marseille. Mais la question que je me pose désormais va bien au-delà : comment un magistrat qui a manifestement vu ce qui s’était passé a-t-il pu rester silencieux pendant tous ces mois ? Dans le dossier, il n’y a aucune trace d’un courrier témoignant de ce qu’il a vu ce jour-là... C’est hallucinant.
Quelles suites comptez-vous donner à ce rebondissement ?
Yassine Bouzrou :
On va demander à ce qu’il soit entendu. Et si l’enquête confirme qu’il était bien au côté des forces de l’ordre au moment des faits, nous envisageons même des poursuites pour non-dénonciation de crime. Parce que s’il voit, sans rien dire, des policiers viser une dame de 80 ans, en pleine tête, avec une grenade, c’est une infraction pénale. (...)
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