
Tout au long de la campagne pour les élections municipales qui touche maintenant à sa fin, les grands médias nationaux ont pris la liberté de faire comme si le scrutin ne comptait qu’un tour : le second [1] ! À quoi bon en effet s’embarrasser de parler du premier premier tour quand des sondages ont révélé depuis des semaines que les mairies se joueraient, dans l’immense majorité des cas, entre des candidats UMP et PS – ou soutenus par ces partis ? Le FN venant heureusement pimenter la situation générale en perturbant ces duels annoncés, avec la perspective, plus ou moins fantasmée, de quelques triangulaires, voire de victoires… Dans ce jeu (médiatique) à trois, les « autres » candidats, les « petites » listes, n’ont évidemment pas leur place, et ils sont dans le meilleur des cas, tout juste mentionnés.
Cette conception hémiplégique du jeu démocratique, où la contribution au débat de forces politiques minoritaires est considérée comme un folklore inutile – et est (mal)traitée comme tel –, n’épargne pas la PQR. Au moins deux cas, signalés par des correspondants, nous semblent particulièrement symptomatiques. Ces exemples, qui concernent la gauche de gauche (rien d’étonnant à ce que nous soyons plutôt sollicités et alertés de ce côté-ci), valent cependant pour toutes les orientations de l’échiquier politique.
– À Chartres, d’abord, où la liste du Front de gauche « Chartres l’Humain d’abord » a fait parvenir une lettre ouverte aux directions de L’Écho Républicain, de France 3 Centre, et d’Ipsos, ainsi qu’au CSA, pour protester contre une enquête d’intentions de vote publiée le 14 mars.
Le sondage en question, s’en tenant sans doute au classement établi par le Ministère de l’Intérieur, présente la liste estampillée « sans étiquette » (mais soutenue en réalité par le PS, EE-LV et le Modem) de Catherine Maunoury comme une liste d’union de la gauche – alors même que deux autres listes se revendiquent de la gauche et que l’intéressée elle-même affirme dans ses tracts : « J’ai choisi de conduire une liste de rassemblement avec des femmes et des hommes de toutes les origines politiques. » Avec une telle présentation de la scène politique chartraine, autant dire que le sondage est d’emblée entièrement faussé…
Ensuite, bien que les listes du Front de gauche et du FN soient données à égalité au premier tour, aux alentours de 7 % des intentions de vote, donc en-dessous du seuil des 10 % permettant de se maintenir au second tour, le sondeur choisit, contre toute probabilité et en toute partialité, de tester l’hypothèse d’une triangulaire au second tour… avec le seul FN.
Disqualifié a priori pour le second tour, le Front de gauche est aussi évincé des médias engagés dans l’opération – et pour cause ! (...)
Les lecteurs et téléspectateurs, qui, frustrés de tant de partialité, auraient cherché à compenser sur les chaînes d’information en continu la pauvreté du traitement de cette campagne municipale dans les médias locaux, auraient été confrontés… au même « spectacle ». Avec des reportages n’ayant que le résultat final en ligne de mire, ne donnant la parole qu’aux seuls favoris des sondages, et s’acquittant de la corvée de traiter des autres candidats par un expédient commode : des listes de noms en incrustation défilant à l’arrière plan !