
Le journaliste George Monbiot a déclaré à plusieurs reprises que le premier responsable du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité était la presse. Ces derniers mois, années voire décennies, il apparaît difficile de lui donner tort.
Depuis quelques semaines, il ne se passe pas une seule journée sans qu’un record de température ne soit pas battu dans le monde. Symptôme d’une planète qui se réchauffe, les feux canadiens sont d’une telle ampleur qu’ils ont rendu la qualité de l’air si mauvaise à New-York que les autorités ont recommandé aux plus âgés et aux enfants de ne pas rester longtemps dehors. En juin, des centaines d’Indiens (officiellement) qui meurent de la chaleur. Records de chaleur au Mexique, au Texas, au Vietnam. Etc. Etc. Etc.
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La liste est si longue que lorsque vous présentez les conséquences du changement climatique, on vous accuse de ne vouloir montrer que les mauvaises nouvelles. (...)
L’Arctique attendra
Mais il y a bien pire que de présenter ces mauvaises nouvelles. C’est de ne pas les présenter. Ou trop peu. Lorsque l’une des pires nouvelles climatiques des cinq dernières années a été publiée, des étés sans glace de mer probables dès 2030, vous devriez vous attendre à ce que cela fasse la une partout. Que l’alerte soit lancée dans toutes les rédactions, que nous prenions collectivement en compte l’ampleur de la catastrophe.
Encore une fois, la couverture n’a pas été à la hauteur.
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Grâce à une analyse de Théo Alves Da Costa (Data for good) pour Bon Pote, nous avons établi une comparaison entre l’attaque au couteau à Annecy et la disparition de la glace de mer en Arctique, en prenant en compte du 6 au 9 juin inclus les trois comptes Twitter BFMTV, Cnews et FranceInfo. Il y a eu 2382 tweets au total, 357 sur l’attaque d’Annecy (15% du total), et seulement deux sur la glace de mer en Arctique. 0.08%. Un seul tweet de FranceInfo et un seul de BFMTV. (...)
L’une des canicules les plus sévères au monde
L’Atlantique Nord était sous les feux des projecteurs ces derniers jours. Premièrement, l’info sous médiatisée. L’une des canicules marines les plus sévères au monde a lieu en ce moment même au large des côtes de l’Irlande et du Royaume-Uni. Une canicule qui oscille entre catégorie 4 et 5. On a du mal à se représenter ce que ça veut dire, mais c’est l’équivalent d’incendies sous-marins.
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Cela fait plus de 15 jours que les scientifiques alertent sur ce qu’il se passe dans l’Atlantique Nord. Sur Bon Pote, nous avons publié un article sur les canicules marines où nous revenons sur les conséquences : destruction des habitats et de la biodiversité, moins de puits de carbone, de nouvelles espèces invasives, et plus globalement des répercussions sur l’humanité.
Titanic revival
Mais sans surprise, c’est à nouveau un fait divers qui a fait la une, des directs consacrés, des millions de réactions dans le monde. Des touristes ultra-riches ont souhaité se faire quelques frissons en allant voir l’épave du Titanic d’un peu plus près et ont été portés disparus. Pendant plusieurs jours, la presse s’est emparée du sujet, jusqu’à l’heure fatidique où leur capsule aurait manqué d’oxygène (il s’avère finalement qu’ils étaient morts bien avant).
Un régal pour un média comme BFMTV, qui en faisait même une émission spéciale jeudi 22 et vendredi 23 juin.
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Certains morts comptent plus que d’autres
Les exemples d’une presse qui court après l’audimat et les likes sur les réseaux sont légions. Mais c’est très certainement la différence de traitement entre les morts en Méditerranée et les 4 jours continus d’infos sur quelques ultra-riches partis voir le Titanic qui est la plus choquante, pour ne pas dire honteuse.
En effet, la semaine dernière, quelques jours avant l’affaire #Oceangate et ces touristes souhaitant voir le Titanic pour 250 000 dollars, ce sont plus de 600 personnes qui ont trouvé la mort en Méditerranée. De l’indignation à l’indifférence générale, peut-on lire dans ce papier de Médiapart. Parmi ces 600 morts, aucune femme ou enfant n’a survécu. Plus d’une centaine d’enfants sont morts.
Le graphique ci-dessous laisse sans voix. Les trois chaines d’info ont tweeté 4 à 5 fois plus sur les touristes richissimes souhaitant voir le Titanic et le #OceanGate que sur le naufrage en Méditerranée ; et 100 fois plus que sur les canicules marines en Atlantique Nord. (...)
Fermer les yeux sur les morts en Méditerranée n’arrêtera pas les vagues migratoires, et laisser ces personnes mourir est indigne de l’Europe et de ses valeurs prônées à longueur de discours politiques.
Nous pouvons et devons également exiger un meilleur traitement médiatique de l’urgence climatique. Espérons que les canicules de l’été seront correctement expliquées, et qu’il y aura autre chose que des femmes en maillot de bain pour les illustrer
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Il serait temps que politiques et médias soient à la hauteur, nous n’y arriverons pas sans une information claire, précise et sourcée, qui ne laisse plus aucune place au doute.