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Libération
Ne laissons pas couler notre humanité en Méditerranée
Article mis en ligne le 7 avril 2019

Sophie Beau, co-fondatrice de Sos Méditerranée rappelle les règles les plus élémentaires du droit, de la morale, de l’éthique.

En 2015, des citoyens européens ont créé SOS Méditerranée, indignés par la défaillance des Etats européens face à la plus grande catastrophe humanitaire qui se soit jamais déroulée en mer – dans cette mer d’échange, de culture et de civilisation qu’a toujours été la Méditerranée. Plus de 18 000 personnes y ont péri depuis 2014, pour autant qu’on ait pu retrouver les corps et les décompter, et combien de milliers d’autres ont disparu sans laisser de traces.

Quatre ans plus tard, le constat est accablant pour l’Europe. Malgré la très forte diminution des arrivées par la mer, la Méditerranée reste l’axe migratoire le plus mortel au monde. Depuis le début de l’année, 311 morts sont déjà recensés. (...)

En novembre 2014, l’Italie et la Grèce étaient abandonnées en première ligne pour gérer les traversées mortelles de Méditerranée. L’Union européenne torpillait l’opération de sauvetage de la marine italienne Mare Nostrum et refusait de prendre le relais, choisissant de laisser mourir des milliers de personnes en mer aux portes de l’Europe et méprisant les mécanismes de solidarité européenne - faute politique majeure, et violation des règles les plus élémentaires du droit, de la morale et de l’éthique.

Puis, les navires humanitaires qui opéraient en Méditerranée sur la base du droit maritime subissaient l’un après l’autre une vaste entreprise de dénigrement. Campagne de désinformation, harcèlement administratif, attaques politiques et judiciaires… C’est dans ce contexte que l’Aquarius a été dépavillonné à deux reprises, une première dans l’histoire maritime, et que l’Italie a demandé sa mise sous séquestre pour une supposée mauvaise gestion du tri de ses déchets ! En dix-huit mois, cette criminalisation parfaitement orchestrée a abouti à vider la Méditerranée des navires de sauvetage affrétés par la société civile. (...)

Dernier épisode de ce renoncement, le 29 mars, l’Union Européenne a « suspendu les moyens navals » de son opération militaire EUNAVFOR MED Sophia. Ces navires missionnés pour lutter contre la traite humaine en Méditerranée centrale ont également contribué à secourir des milliers de personnes en application du devoir d’assistance en mer.

L’Europe abdique ses responsabilités, le droit maritime est bafoué en toute impunité. (...)

Sans navire de sauvetage, sans témoin, la Méditerranée est redevenue un trou noir.

Cette politique mortifère, nous ne pouvons pas l’accepter. Doit-on aujourd’hui plus qu’hier, laisser quelqu’un qui se noie mourir devant nos yeux et le ramener vers l’enfer ? Nous le refusons. Plus que jamais déterminées, les équipes de SOS Méditerranée se préparent à repartir en mer avec un nouveau navire. Nous, citoyens, exigeons aujourd’hui que l’Europe respecte la vie humaine avant toute autre considération. Nous réclamons le respect du droit humanitaire, du droit maritime, du droit des réfugiés, de toutes ces lois qui sont coulées en Méditerranée. Nous en appelons à la conscience de nos gouvernants, à leur mémoire historique. Réaffirmons ensemble notre humanité, ne laissons pas les valeurs fondamentales de l’Europe sombrer en Méditerranée.