
Partielle ou marginale, parfois tout simplement inexistante, la couverture de la venue à Paris de Benjamin Netanyahou le 5 juin fut surtout étrangement sélective dans les journaux télévisés de France 2 et de France 3, comme dans les bulletins d’information de France Inter [1] le jour même. Quand elle ne fut pas, dans certains cas, biaisée par des partis-pris flagrants.
Alors que des massacres de Palestiniens ont été perpétrés par l’armée israélienne depuis fin mars [2] – on dénombre désormais plus de 120 morts – Benjamin Netanyahou était reçu par Emmanuel Macron à Paris mardi 5 juin. Cette rencontre a suscité de nombreuses critiques, dont l’indignation de trois syndicats de journalistes (SNJ, SNJ-CGT et CFDT Journalistes).
Les raisons de cette venue ? Faire valoir son point de vue diplomatique sur l’Iran (dans le cadre d’une « tournée » européenne et après une visite à Berlin), mais également lancer officiellement la saison culturelle France-Israël 2018 – un partenariat institutionnel – en inaugurant aux côtés du président français une exposition au Grand Palais dédiée aux innovations technologiques et scientifiques israéliennes [3].
Des appels à manifester dans toutes les grandes villes de France ont été lancés par plusieurs associations palestiniennes ou de solidarité avec la Palestine, réclamant l’annulation de la venue de Netanyahou et de la saison croisée France-Israël. Des rassemblements se sont effectivement tenus, comme en témoigne la couverture de plusieurs médias nationaux, régionaux ou locaux : on peut se référer, entre autres exemples, à L’Humanité pour la protestation de Paris, LyonMag pour celle de Lyon, et Ouest France, pour celles de Vannes et Quimper.
France Inter : la différence
Sur ces trois informations, seule la première, c’est-à-dire la tenue de discussions sur l’Iran, a été traitée dans les bulletins d’information de France Inter tout au long de la journée du 5 juin. (...)
Oubli volontaire ? Ce ne sont pourtant pas les occasions qui ont manqué, puisque sur ces mêmes quatorze journaux, la venue de Netanyahou a été traitée pas moins de dix fois par la rédaction de France Inter. Ce n’est pas non plus faute de sources disponibles, puisque l’AFP et l’agence Reuters, ont mentionné l’inauguration de l’exposition du Grand Palais dans le cadre de la « saison croisée », comme les appels à manifester [6].(...)
L’omission journalistique, qui est aussi un parti pris, s’aggrave encore lorsque l’on écoute le journal de 8h du lendemain, le 6 juin. Dans cette édition en effet, deux minutes sur seize reviennent sur la visite de Netanyahou à Paris, introduite en ces termes par Nicolas Demorand : « Un peu de culture et beaucoup de diplomatie au menu de la visite de Benjamin Netanyahou en France. » (...)
Marc Fauvelle, à qui il donne la réplique, enchaîne sur un sujet réussissant l’exploit de passer à nouveau sous silence les manifestations organisées la veille partout en France [7], centrant plutôt le sujet sur les actions BDS en versant dans l’amalgame le plus crasse : assimiler, à la faveur d’une construction pour le moins douteuse, la critique d’Israël à de l’antisémitisme.(...)
Pour prolonger et illustrer cette présentation factuellement confuse, partielle et partiale, France Inter choisit de se référer et de donner la parole aux représentants de deux institutions connues pour leur alignement sur la droite et l’extrême droite israéliennes, et pour leurs attaques outrancières contre les mouvements de solidarité avec les Palestiniens (...)
Pour autant, et que l’on fasse l’hypothèse d’une auto-censure ou d’un suivisme assumé, les mouvements de protestation ont reçu un écho médiatique qui, quoique timoré et partiel, les ont rendus visibles. Ce constat rend d’autant plus problématique le silence de France Inter (et des JT du service public) sur le même sujet. (...)