
Avant, les choses étaient simples. Il y avait d’un côté les amoureux d’Internet qui refusaient qu’on touche à cet espace de liberté et de l’autre ceux qui considéraient que c’était la pire invention de l’histoire de l’humanité. Mais désormais, ceux-là même qui défendaient le Net emploient des mots comme « danger » ou « dérive ».
Ainsi de Lawrence Lessig, co-fondateur de Creative Commons, qui a déclaré le week-end dernier : « Je suis pas sûr qu’Internet soit bon à moyen terme ». Ces anciens partisans seraient-ils devenus de gros méchants réactionnaires qui veulent brûler ce qu’ils avaient adoré ?
En réalité, ce ne sont pas les défenseurs du Net qui ont changé de camp, mais Internet lui-même. En quelques années, il a connu une métamorphose qui, à titre personnel, me laisse encore ébahie. Internet est devenu exactement l’inverse de ce qu’il était. D’un réseau ouvert, il est devenu un réseau fermé. D’un espace de liberté, il est devenu un espace de surveillance. (...)
Le plus fascinant dans cette transformation, c’est que, contrairement à certaines prédictions, elle n’a pas été le fait des politiques. Pendant des années, on s’est mobilisé dès qu’un secrétaire d’Etat proposait de légiférer (contre l’usage des pseudos par exemple), on criait très fort, on s’énervait, on agitait les bras pour remuer du vent.
Mais ce ne sont pas les politiques qui ont les premiers perverti les usages du Net. C’est nous. Les internautes. En acceptant des modifications du système qui en changeaient la lettre et l’esprit. En mettant certaines entreprises privées dans des positions de monopole proche d’un système monarchique. Et une fois ce système de concentration de nos données mis en place, les organes de surveillance des Etats sont venus se servir. (...)
Prenons les choses au commencement.
A l’origine, quelle est la différence fondamentale entre un grille-pain et Internet ? Le grille-pain fait dorer vos tartines dans un petit circuit fermé. Internet est un système ouvert et décentralisé. Retenez bien ces deux qualificatifs –nous allons voir comment l’utilisation marchande du Net tend à le transformer en grille-pain. (...)
Heureusement, les hackers ont enfin compris qu’ils devaient parler aux internautes lambdas et essayer de créer des solutions techniques utilisables par le plus grand nombre parce qu’on ne peut pas attendre de gens dont ce n’est pas le boulot qu’ils se mettent d’eux-mêmes au cryptage. Quand on rentre chez soi après une journée de travail, on n’a pas tous le courage d’aller chercher sur des forums des explications techniques.
Hubert Guillaud a tracé dans cet article fondamental (et très clair même pour les néophytes)les issues de secours. Comme quoi, il est peut-être encore temps de ranimer le cadavre de notre Internet.