
Dix ans après le vote de la loi interdisant le voile à l’école, des enseignants et des enseignantes estiment qu’elle n’a eu aucun des effets vertueux défendus par le législateur et qu’elle a détérioré leurs conditions d’enseignement en accentuant les inégalités sociales. « Bien loin de faire respecter la laïcité au sein de nos établissements, la loi du 15 mars 2004 a déformé l’esprit et la lettre de la loi de 1905. »
Enseignants, enseignantes, il y a bientôt dix ans qu’une loi injuste et contre-productive a été votée en notre nom. Le 15 mars 2004, en effet, un grand consensus s’est noué pour interdire les « signes » ou « tenues » qui « manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » des élèves au sein de l’école publique.
Cette loi est venue conclure un débat médiatique où nous avons été, enseignants et enseignantes, désigné•e•s comme une composante significative (voire experte) de l’opinion désirant voir disparaître le « foulard islamique » des salles de classes. Cette loi a été présentée comme une nécessité pour imposer aux élèves récalcitrantes de retirer leur voile, sous la menace de conseils de discipline et d’exclusions.
Dix ans plus tard, quel bilan faisons-nous de cette loi prohibitionniste ? Elle n’a eu aucun des effets vertueux que les législateurs lui ont prêté. (...)
Bien loin de faire respecter la laïcité au sein de nos établissements, la loi du 15 mars 2004 a déformé l’esprit et la lettre de la loi de 1905. Comme beaucoup l’ont rappelé, la neutralité vestimentaire s’applique, dans la loi de 1905, aux personnels du service public et non à ses usagers et usagères – ici, nos élèves. Ce principe est conforme à notre mission, celle de faire de l’école un espace critique, un espace de débat, un espace de libre-expression. C’est avec ce principe, et les conséquences qui l’accompagnent, que la loi du 15 mars 2004 a rompu.
Pour replacer nos revendications sociales au centre du débat à l’heure de la crise et des politiques d’austérité, pour lutter contre un climat raciste qui pèse sur nos conditions de travail, pour réaffirmer l’importance du débat et de la critique à l’école, nous demandons, à l’occasion de son 10e anniversaire, l’abrogation de la loi du 15 mars 2004 !