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OGM : la guerre secrète pour décrédibiliser l’étude Séralini
Article mis en ligne le 14 novembre 2012

Pour enterrer définitivement l’étude controversée du professeur Gilles-Eric Séralini tendant à démontrer la nocivité potentielle d’un maïs OGM et de l’herbicide Roundup,ses détracteurs ont trouvé un moyen simple : obtenir de la très sérieuse revue Food and Chemical Toxicology (FCT) qui l’a publiée, qu’elle se rétracte et « retire » l’étude de la liste de ses publications.

C’est à quoi s’emploient de nombreux experts, dans une bataille qui ressemble à une opération savemment orchestrée. Une véritable guerre de relations publiques où tous les coups sont permis.

La revue scientifique a publié en ligne une vingtaine de lettres de détracteurs ainsi qu’une « réponse aux critiques » rédigée par l’équipe Séralini. Débat scientifique légitime, me diriez-vous ? Pourtant, derrière la cohorte des titres universitaires affichés, se dessine une « biotech-sphère » où s’entremêlent chercheurs en biotechnologie, spécialistes en politique de régulation et représentants de l’industrie. (...)

Après enquête, nombre des co-signataires, aux côtés de Marc Fellous, sont liés au groupe pro-OGM Agricultural biotechnology world (AgBioWorld) animé par le généticien C.S Prakash, lui-même signataire de la lettre collective.

Prakash et son organisation sont également les auteurs de deux pétitions [la première recueille 57 signatures ; la seconde 731] pour réclamer « la diffusion des données brutes » de Gille-Eric Séralini. (...)

En 2002, le quotidien britannique The Guardian révélait qu’AgBioWorld avait joué un rôle majeur dans une « campagne virale » de diffamation contre le lanceur d’alerte Ignacio Chapela après qu’il eut découvert la pollution génétique du maïs mexicain par des OGM.

L’enquête indique que le site de l’association était hébergé par le cabinet de communication Bivings, mandaté par Monsanto et dirigé par un certain Jay Byrne.

Celui-ci utilisait de fausses identités (« Mary Murphy et Andura Smetacek ») pour parler au nom « de la communauté scientifique » et insister sur les liens de Chapela avec les écologistes, assimilés à des « terroristes » et des « vandales ».

La société Bivings a été dissoute en décembre 2011 suite à une cyber-attaque des Anonymous dans la cadre de l’opération « End Monsanto ». Mais Byrne a depuis repris ses quartiers à Saint Louis (Illinois, USA), où siège Monsanto, avec sa nouvelle société V-fluence.

C’est le même type de stratégie de diffamation que suit Henry Miller, signataire du courrier collectif à FCT, référent « régulation sanitaire » d’AgBioWorld et membre du think-tank néoconservateur Hoover Institution.

Dans une série d’articles publiée par Forbes, il qualifie l’étude Séralini de « frauduleuse » et dénonce les « profiteurs de peur » issus d’une « industrie de la protestation financée par les intérêts du bio ».

Or, cette tribune au vitriol est cosignée... par Jay Byrne. Le magazine a dû révéler a-posteriori son CV de responsable de la communication virale pour Monsanto (1997-2001). (...)

La litanie des conflits d’intérêts et autres positionnements pro-biotech de la cinquantaine de détracteurs publics de l’étude Séralini pourrait se poursuivre sur des pages. On croise des représentants de syndicats indiens de promotion des biotechnologie, d’autres souhaitant stopper la faim dans le monde avec une ration d’OGM, ou encore des spécialistes de la communication pro-OGM (David Tribe) et autres lobbyistes travaillant entre São Paulo (Lucia de Souza), Washington et Bruxelles, le triangle d’or des OGM...

Un monde clos qui réagit de façon épidermique à l’étude Séralini, celle-ci menaçant la stratégie commerciale bien huilée d’une industrie des semences OGM engrangeant 13 milliards de dollars en 2011. Face au poids de ce lobby, déterminé à enterrer toute voix discordante, la revue Food and Chemicals Toxicology pourra-t-elle résister ?