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OGM : perte de soutien de la Commission européenne
#ogm #commissioneuropeenne
Article mis en ligne le 30 mars 2023
dernière modification le 29 mars 2023

En deux ans, la Commission européenne semble avoir perdu plusieurs soutiens à son projet de déréglementer de nombreux OGM. Les réserves de plusieurs États membres ont éclaté au grand jour le 16 mars 2023, lors une réunion des ministres européens de l’Environnement.

Une semaine avant le Conseil européen des ministres de l’Environnement du 16 mars 2023, l’Autriche adressait aux États membres une note intitulée : « Règlementation des plantes obtenus par les nouvelles techniques génomiques – besoin de discussions prolongées sur les aspects environnementaux » [1]. Ce pays a obtenu que cette note soit discutée lors de cette réunion européenne. (...)

L’Autriche reproche à la Commission un manque de sérieux scientifique

Dans sa note, l’Autriche reproche à la Commission européenne d’avoir initié une réflexion pour un éventuel nouvel encadrement des OGM sur la base de « concepts vagues et insuffisamment élaborés ». Dressant un historique du dossier, l’Autriche rappelle qu’en 2021, un éventuel changement de la réglementation des plantes génétiquement modifiées par « mutagénèse et cisgénèse, actuellement couvertes par la réglementation sur les OGM » a fait l’objet d’une analyse d’impact initiale menée par la Commission [2].

Cette dernière a ensuite conduit une consultation publique [3], elle-même suivie d’une nouvelle évaluation d’impact reposant sur des consultations supplémentaires des citoyens, des parties prenantes et des États membres [4].
Ces consultations, vivement critiquées pour leur partialité par de nombreuses organisations environnementales et paysannes, ne satisfont pas non plus l’Autriche, ni la Hongrie et Chypre, qui avaient préalablement annoncé partager le constat autrichien.

Ainsi, l’Autriche explique regretter que l’évaluation d’impact ait été conduite « principalement par le biais d’un questionnaire qui reposait, en grande partie, sur des attentes, hypothèses et scénarios plutôt que sur des données et méthodes scientifiques ». L’Autriche souligne que le questionnaire a amené un certain nombre d’États membres à ne pas pouvoir répondre aux questions, voire à refuser de répondre. Elle estime « que le résultat de ce questionnaire ne peut et ne devrait pas servir de base aux futures actions législatives de l’Union européenne sur les plantes obtenues par les nouvelles techniques génomiques ». (...)

Dans sa note, l’Autriche demande donc à la Commission européenne de « conduire une évaluation complète des risques basée sur des données solides plutôt que des hypothèses ». Elle souhaite également que la Commission finance concrètement des recherches dans les domaines de la biosécurité, des impacts sur la biodiversité et sur la détection des produits issus de ces nouvelles techniques. Enfin, l’Autriche souhaite que la Présidence suédoise de l’UE convoque un groupe de travail ad hoc (...)

Huit pays appuient la demande autrichienne (...)

Quant aux lacunes scientifiques, l’Allemagne partage le point de vue autrichien. Elle a souhaité en savoir plus sur les notions scientifiques à la base de l’approche de la Commission européenne (...)

La France silencieuse, la Commission se défend… malgré les faits

Les quinze autres États membres, dont la France, ne se sont pas exprimés lors de cette discussion. La France avait pourtant précédemment déclaré soutenir « pleinement, pleinement » la Commission européenne, en mai 2021, lors d’une discussion des ministres de l’Agriculture [7]. Mais, en mars 2023, elle a choisi de ne pas prendre la parole pour réitérer ce soutien. Déjà, le 20 décembre 2021, lors d’un Conseil des ministres de l’Environnement, elle avait relativisé la position énoncée sept mois plus tôt et déclaré souhaiter que le cadre réglementaire respecte « les principes de proportionnalité et de précaution », soit « rigoureux et transparent » et à mène d’assurer l’information du consommateur, la traçabilité, l’étiquetage… La France avait alors conclu que la nécessité même de changer le cadre réglementaire était encore en débat (...)

L’absence de prise de parole le 16 mars dernier jette un flou sur un éventuel soutien de la France à la démarche de la Commission européenne. D’autres États membres, également soutiens en 2021 de la Commission européenne, se sont également tus (...)
Réagissant au tour de table sur la note autrichienne, la Commission européenne a essayé de défendre sa méthode de travail. (...)

la Commission s’est contentée de souligner que « l’AESA a également pris en considération les éléments scientifiques les plus récents [...]. Nos actions politiques reposeront bien évidemment sur les dernières données scientifiques recueillies, en résonance avec le principe de précaution ». Ces affirmations de la Commission européenne sont pour le moins tendancieuses : les experts européens ont expliqué que la Commission européenne ne leur a pas demandé de produire une opinion scientifique aussi exhaustive qu’elle le prétend (voir l’encadré)… Un manque d’exhaustivité justement souligné par l’Autriche qui le lui reproche.

Quelles suites ?

Depuis la réunion des ministres de l’Agriculture, en mai 2021, les soutiens exprimés à la démarche de la Commission européenne ne font donc que baisser. Il faut dire que le contexte a changé durant les deux dernières années. (...)

À l’automne 2022, par exemple, de nombreux distributeurs et chaînes de supermarchés européens, principalement allemands et autrichiens, se sont exprimés pour exiger que tout OGM, qu’ils soient transgéniques ou issus de nouvelles techniques de modifications génétiques, soient correctement étiquetés [11]. En février 2023, dans une tribune publiée par Inf’OGM [12], la Confédération Paysanne dénonçait – à nouveau – le risque qu’en l’absence d’encadrement réglementaire et notamment d’étiquetage et de traçabilité des OGM obtenus par les nouvelles techniques, les brevets associés s’étendent aux plantes issues de sélection paysanne ou traditionnelles. Enfin, quelques entreprises semencières ont aussi pris la parole depuis le début de l’année pour dénoncer que les nouvelles techniques de modification génétique risquent de devenir « le cheval de Troie de la privatisation du vivant » (...)

Reste à savoir si la réunion de la Commission du 7 juin prochain lui permettra d’adopter une proposition finalisée et si la Présidence suédoise de l’UE (qui s’achève fin juin) organisera le groupe de travail ad hoc demandé par l’Autriche. (...)