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Offrir aux hommes handicapés de recourir à la prostitution, une idée ancrée dans la misogynie et le validisme
par Jess Martin, Eva (Exploited Voices’ Allies)
Article mis en ligne le 14 octobre 2015
dernière modification le 6 octobre 2015

Quand j’ai lu sur le site Huffington Post l’article d’Emily Lazatin (1) sur une nouvelle agence de prostitution pour des hommes handicapés à Vancouver, je me suis sentie obligée d’y répondre à titre de femme dont deux frères (un de naissance et un par alliance) souffrent d’un retard de développement. Je l’ai aussi fait en m’appuyant sur environ une décennie d’expérience en éducation spécialisée et en soins palliatifs. J’ai aussi passé près de 10 ans à offrir un soutien pratique à un groupe de survivantes de l’industrie du sexe dans leurs démarches pour en sortir. J’espère que la combinaison de ces expériences m’autorise à parler de la question du recours d’hommes handicapés à la prostitution.

(...) Mon propos vous décevra peut-être si votre expérience des personnes handicapées ne dépasse pas les films type Forest Gump ou I am Sam, mais l’existence des handicapés ne se résume pas à inspirer la population générale et ils ne sont pas à l’abri de la critique féministe. Un aspect inconfortable, mais central, de notre ouverture à l’humanité des personnes handicapées consiste à reconnaître que, non seulement elles peuvent être féministes et des allié-es féministes, mais elles peuvent également se révéler misogynes, racistes, et eux aussi validistes.

Franchement, je dirais que les hommes handicapés qui utilisent la prostitution pour satisfaire leurs appétits sexuels présentent souvent une combinaison de ces trois attitudes.

La prostitution n’est pas un droit humain

Quand j’entends des personnes non handicapées présenter l’utilisation des femmes en prostitution par des hommes handicapés comme un enjeu de droits humains ou de l’expression sexuelle, mon sang ne fait qu’un tour.

Cet argument recouvre trois faussetés implicites.

  • La première serait que les personnes handicapées sont si sexuellement désagréables que personne n’accepterait d’avoir avec elles des relations sexuelles non tarifées.
  • La seconde que les préférences sexuelles constituent un droit fondamental.
  • Et la troisième que l’appétit sexuel des hommes handicapés devrait avoir priorité sur le progrès des femmes vers l’égalité (...)

en raison de la culture pornographique, beaucoup d’hommes (y compris les hommes handicapés) en viennent à croire qu’ils disposent non seulement d’un droit inaliénable à du sexe avec quelqu’un d’autre, mais aussi du droit à des relations sexuelles avec des femmes qui ressemblent et se comportent comme celles qu’ils matent dans la pornographie.

C’est une grave erreur que de confondre préférences sexuelles et expression sexuelle. Nous, les humains, sommes tous et toutes des êtres sexuels, mais le sexe avec quelqu’un d’autre n’est en rien essentiel à l’expression de notre sexualité. Certain-e-s d’entre nous auront d’autres personnes jouant un rôle dans notre expression sexuelle, et d’autres non (c’est le cas de personnes handicapées et non handicapées parmi mes proches).

D’autre part, quand il s’agit de « l’intimité physique » (comme tant de lobbyistes de l’industrie du sexe aiment appeler le sexe), les attentes sexistes, racistes et validistes (comme le désir de n’avoir des relations sexuelles qu’avec des femmes minces, non handicapées, à la vulve rasée et aux seins alertes, ou le désir de vivre des clichés racistes en contexte sexuel) ne rendent service à personne.

La prostitution nuit au développement de l’intimité dans les relations non tarifées car elle enseigne aux hommes à se procurer des femmes à peu près comme ils commanderaient un café ou une pizza. (...)