
Le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris et le secrétaire général de RSF s’opposent, dans une tribune au « Monde », à la transmutation juridique opérée par le gouvernement entre l’article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale et l’article 18 du projet de loi sur le séparatisme. (...)
Tribune.
En chimie, rien ne se crée, rien ne se perd et tout se transforme. Nous devons éviter qu’il en soit ainsi en droit, s’agissant de l’article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, qui a donné lieu à une intense contestation sur le fond en raison des risques d’usage abusif par les policiers lors des manifestations. Il existe malheureusement un risque de transmutation juridique, au sens où cet article 24, qui semble aujourd’hui en voie d’abandon, pourrait demeurer sous une autre forme, à l’intérieur de l’article 18 d’un autre texte, le projet de loi sur le « séparatisme ».
Comme on sait, l’article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale cristallise depuis plusieurs semaines les inquiétudes légitimes des journalistes, des avocats et de très nombreux autres citoyens. S’il était adopté, cet article créerait un nouveau délit : la diffusion, par tout moyen, de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention, quand cette diffusion a pour but « qu’il soit manifestement porté atteinte à son intégrité physique ou psychique », pourrait valoir à son auteur un an de prison et de 45 000 euros d’amende.
Bien que le texte sur la sécurité globale fût une proposition de loi, c’est-à-dire un texte d’initiative parlementaire, l’article 24 était en réalité d’inspiration gouvernementale, comme l’a illustré le ministre de l’Intérieur en s’en faisant le défenseur le plus zélé. (...)
Le projet de loi confortant le respect des principes de la République, précédemment intitulé projet de loi contre le séparatisme, déposé au Parlement, est également porté par Gérald Darmanin. Ce texte, dont on ne conteste pas la légitimité globale, comporte un article (numéroté 18 après avoir été numéroté 25), qui malheureusement inclut l’article 24. Dit autrement, le 24 (si contesté) est dans le 18 (qui vient d’être annoncé). C’est dommageable, même si les intentions ne visaient sans doute pas à donner des gages aux syndicats de police mais à rassurer une population sidérée à raison par l’assassinat du professeur Samuel Paty. (...)
Nous refusons la transmutation de l’article 24 de la #PPLSécuritéGlobale dans l’article 18 du #PLséparatisme. Le secrétaire général de @RSF_inter @cdeloire sonne l’alerte avec le bâtonnier de Paris sur cette alchimie dangereuse https://t.co/D8bHb0rexn
— RSF (@RSF_inter) January 7, 2021