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On ne devrait pas être là pour crever ou pour faire crever !
Patrick Ackermann, lanceur d’alerte
Article mis en ligne le 20 juin 2022

Presque en parallèle se tiennent en ce moment le procès de la SNCF pour l’accident ferroviaire meurtrier de Brétigny de juillet 2013, et de l’autre celui des patrons de France Télécom/Orange, pour le harcèlement moral organisationnel qui a été au début des années 2000. Ces deux procès hors normes sont comparables. Par les moyens mis en œuvre par la justice. Et par leur objet même, nécessitant d’entrer dans la matière des organisations, des modes de décisions, des vécus au travail.

Deux procès qui ont chacun leurs singularités :

Une situation « classique » pour l’accident de Brétigny où la technique du « lampiste » a permis de protéger l’équipe dirigeante de la SNCF (Guillaume Pépy en tête), de RFF devenu SNCF-Réseau (Hubert du Mesnil puis Jacque Rapoport au premier chef), mais aussi les architectes de la politique ferroviaire au sein de l’Etat (Elisabeth Borne notamment, que l’on retrouve à toutes les étapes).

Une situation plus audacieuse pour la justice dans le cadre de France Télécom / Orange. D’abord parce qu’elle a été le lieu même de la qualification de harcèlement moral organisationnel introduite dans notre ordre juridique. Ensuite parce qu’elle a visé les dirigeants de l’entreprise (Lombard, Wenès, Barberot,...) ayant personnifié une politique mortifère, au-delà de la personne morale de l’entreprise. La société Orange n’ayant pas fait appel, il ne reste d’ailleurs devant la Cour aujourd’hui que ces dirigeants personnes physiques.

Mais ces deux procès hors normes sont comparables. Par les moyens mis en œuvre par la justice depuis l’instruction jusqu’à la tenue des audiences. Par leur objet même nécessitant d’entrer dans la matière des organisations, des modes de décisions, des vécus au travail. Par le nombre de témoins cités à la barre. Par leurs répercussions à l’échelle de tout le pays, car touchant à des entreprises ayant été structurantes des services publics et des valeurs qu’ils portaient de performance, de sécurité, d’égalité d’accès et de progrès social.

Et surtout deux procès comparables car ce qu’il est ressorti des audiences de Brétigny et du procès France Télécom/Orange en première instance (et aujourd’hui en appel), c’est la centralité des organisations du travail, profondément démantelées par le « révolution managériale » initiée dans les années 1980 et 1990 (...)

Aujourd’hui, ce sont dans les instances judiciaires que ce débat sur les organisations du travail et leur lien avec le sens même d’un système social et économique est posé : à quoi bon rechercher frénétiquement une « compétitivité » des entreprises, des services publics, des administrations, si le prix à payer sont des morts parmi les usagers/usagères – ou client.e.s – comme chez les salarié.e.s., et des milliers de personnes abîmées psychiquement et physiquement pour des vies entières. (...)