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On peut renverser le capitalisme sans modèle pour la suite
Kevin Amara est journaliste, membre de la rédaction du Comptoir et père au foyer.
Article mis en ligne le 24 janvier 2019
dernière modification le 22 janvier 2019

Par quoi remplacer le modèle de société dans lequel nous vivons dans le cas de son renversement ? Il n’y a pas de système tout prêt pour l’auteur de cette tribune, qui explique que les « révolutions » ont « le pouvoir de créer en permanence de nouvelles formes sociales, de nouvelles appartenance au monde ».

S’il est une question qui revient inlassablement lorsque l’on parle de renverser la structure sociale actuelle, c’est bien celle-ci : « Oui, mais pour appliquer quel modèle de société ? » Nombre de militants se trouvent sidérés — au sens littéral du terme — par le fait de ne pas pouvoir répondre à cette question. En réalité, il n’y a pas lieu d’y répondre, pour plusieurs raisons que nous nous proposons d’étayer ici.

S’ils sont légion à proposer un système, ce n’est rien d’autre qu’un symptôme de la société industrielle, qui systématise systématiquement et aimerait organiser l’ensemble du vivant en autant d’éléments contrôlables. Or, les sociétés humaines ne sont pas, par essence, contrôlables. Du conflit naît la variation, de l’antagonisme jaillit l’invention.

Il s’agit par ailleurs de ne pas infantiliser les gens, ce qu’encourage le fait de proposer un modèle de société clé en main. S’il est insultant d’imaginer que le gouvernement représentatif soit le meilleur modèle à proposer aux sociétés humaines, il ne l’est pas moins d’imaginer que les peuples ne disposeraient pas de la capacité de créer leurs propres organisations. S’il est évident que le capitalisme mène à la destruction de l’ensemble du vivant, seul un fou pourrait prétendre avoir conçu un meilleur système pour le remplacer, pour autant que cela soit souhaitable… En effet, imaginer un modèle standard qu’il s’agirait d’appliquer à tous et partout sur la planète relève de la lubie technocratique, et l’on sait avant même de s’y risquer où cela nous conduirait : à répéter inlassablement la même erreur. (...)

Personne ne sait de quoi une révolution est suivie
Certains groupes souhaiteront ainsi se munir d’institutions à taille humaine visant à agencer l’ensemble de leur fonctionnement, tandis que d’autres tendront à se munir de règles afin de laisser en permanence libre cours au débat. L’un des principaux écueils dans lequel tombent nombre de militants consiste à prendre les mots pour des choses et ainsi à revêtir d’un caractère sacré les choses en question.

Personne ne sait de quoi une révolution est suivie. Les prophètes et les augures qui font florès en temps de crise prennent généralement la poudre d’escampette lorsque le pouvoir vacille. Nous ne pouvons qu’inviter à prendre le chemin, et ne pouvons donner aucune garantie quant à ce qui se trouvera au bout. (...)

Puisque les révolutions possèdent le pouvoir considérable de créer en permanence de nouvelles formes sociales, de nouvelles appartenances au monde, il semble illusoire d’écrire un cahier des charges et de s’y contraindre. Par conséquent, il est tout à fait possible de répondre sereinement « Je ne sais pas » à la question : « Par quoi remplacer la société industrielle, ou le capitalisme ? »