
Samedi soir, zapping tardif sur les chaînes télévisuelles . . . Sur France ô, c’est l’heure de « Tout monde info » : à l’écran des images de la Martinique où une mère de famille parle de son fils, Thierry Dol, otage depuis 2 ans. Les séquences suivantes nous montrent Thierry Dol, entouré de gardes enturbannés et armés dans un paysage désertique, les commentaires nous précisent que nous sommes dans le Sahel et nous rappellent qu’il y a d’autres otages français, prisonniers d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) depuis bientôt 2 ans.
J’ai peut-être la mémoire courte mais je ne me souviens pas d’avoir jamais entendu parler de Thierry Dol (ce qui ne signifie pas bien évidemment que les médias n’en aient jamais parlé) ; et qui connaît les noms des trois autres otages détenus dans le Nord du Mali, Pierre Legrand, Philippe Verdon et Serge Lazarevic . . ?
Par contre j’ai encore gravés dans la tête les noms et les visages des deux derniers otages journalistes à avoir été libérés : Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière. Dans ce dernier cas, leur situation faisait l’objet d’un rappel quotidien sur toutes les antennes, ils nous étaient devenus presque familiers et cette proximité obligée créait malgré tout de l’empathie ; notre responsabilité collective était engagée par cette solidarité imposée « pour la bonne cause » par tous les médias. Je suppose que les français , s’ils avaient été interrogés à l’époque à ce sujet par un institut de sondage, auraient probablement jugé le problème des journalistes otages particulièrement important et nécessitant les efforts constants et appuyés du gouvernement.
Aujourd’hui qui peut bien considérer, mis à part leurs proches, le problème de Thierry Dol et de ses compagnons d’infortune comme important ? On n’en parle pas, donc le problème n’existe pas.
C’est au travers de ce type de comportement sélectif des médias que l’on peut réaliser à quel point les journalistes disposent d’un pouvoir discrétionnaire dans le traitement de l’information. En fait, ce sont bien eux qui font l’information et fabriquent l’opinion en usant ou pas de leur pouvoir d’alerte. Il me semble que nous n’en avons pas toujours suffisamment conscience, mais l’information sur les otages nous montre que nous sommes tous, à des degrés divers, des otages de l’information.
Jean-Luc Gasnier