
Pour les dominants, quoi de mieux que d’organiser la guerre entre
pauvres et précaires ?
A Marseille, les expulsions systématiques de Roms attisent les tensions
avec la population
03 octobre 2012 | Par Louise Fessard - Mediapart.fr
Assis sur des baluchons de vêtements rassemblés à la hâte dans des
couvertures, sur un bord de trottoir, femmes et enfants attendent. Les
hommes se sont rassemblés un peu plus loin, silencieux. Ils sont une
cinquantaine, dont treize enfants pour certains âgés de quelques mois
seulement. Chassés le 27 septembre 2012 de la cité des Créneaux, dans le
15earrondissement de Marseille, par des riverains, ce petit groupe de
Roms avait fini par trouver refuge dimanche, après trois jours d’errance
sous la pluie, dans une concession automobile du même arrondissement.
Dès le lendemain, la mairie de Marseille, qui gère ce terrain, a déposé
plainte pour « occupation illicite et dégradation de bien public ». Et
le 2 octobre, à 10 heures, les policiers ont évacué l’ancien garage*,
tandis que des ouvriers posaient des parpaings pour murer le terrain. La
mécanique est bien rodée, c’est la troisième expulsion en dix jours pour
ces familles roms, et la neuvième depuis janvier 2011.
Face à cet acharnement, ils restent hébétés, répétant « on ne sait pas,
on ne sait pas » aux questions des journalistes. (...)
« Nous en sommes quasiment à revendiquer l’existence de bidonvilles, qui
au moins permettaient un minimum de stabilité pour installer l’eau, des
sanitaires, faire un suivi médical, envoyer les enfants à l’école », dit
à regret Cendrine Labaume, coordinatrice de la mission Roms de Médecins
du monde à Marseille. Selon le décompte réalisé par l’association, le
nombre de campements à Marseille et ses alentours est passé de 23 à 32
lieux entre janvier 2011 et septembre 2012 pour une population rom
stable. Les lieux sont de plus en plus petits, précaires et isolés. (...)
À Marseille, cette politique d’expulsions systématiques a dangereusement
tendu les relations entre Roms et habitants des quartiers Nord, les plus
pauvres et où se trouvent aussi la plupart des friches et terrains
encore disponibles. « La chasse aux Roms est ouverte, constate
froidement Philippe Rodier, responsable de la mission Roms de Médecins
du monde à Marseille. On voit vraiment les tensions monter en parallèle
de la dégradation des conditions de vie des Roms. Quand les Roms étaient
installés sur des terrains, c’était plus apaisé qu’aujourd’hui. » (...)