
Les travaux de l’Assemblée constituante progressent et les grandes lignes de la future Constitution commencent à se dessiner. Mais le rôle du chef de l’Etat et la place de la référence religieuse restent des points de conflit.
Pour l’instant, le travail de rédaction de la Constitution est encore au stade des six commissions chargées des différents chapitres.
(...) « Personne ne veut d’une concentration des pouvoirs entre les mains du Président. Ni un régime présidentiel à l’américaine, ni même un Président fort à la française. »
Le choix d’un système monocaméral (avec une seule Assemblée) a fait consensus. Certains avaient proposé une seconde chambre représentative des régions. Mais les Constituants sont allés à la simplicité. (...)
En revanche, le rôle et le mode d’élection du président de la République constituent un point de blocage entre Ennahdha et les autres partis politiques. Le 3 juillet, la commission des Pouvoirs législatif et exécutif a adopté le principe de l’élection du président de la République par l’Assemblée. Mais en l’absence de la majorité des élus non-membres d’Ennahdha. Manœuvre de pression psychologique a dénoncé Samia Abbou, députée CPR. Déroulement normal des travaux de la commission selon le règlement intérieur rétorque Zied Laadhari, vice-président Ennahdha, de la commission, qui a fait procéder au vote.
La question sera tranchée en plénière, mais pour l’instant aucun accord n’est en vue. (...)
Le vrai problème, c’est que les constituants cherchent à apporter une solution institutionnelle à la faiblesse des partis en dehors d’Ennahdha. Or, comme le rappelle, avec sagesse Kais Saied, professeur de droit constitutionnel :
« Le problème fondamental est l’équilibre des pouvoirs. Or un réel équilibre ne peut être instauré que s’il y a un pluralisme politique, si la configuration des partis permet une aération du jeu politique. »
L’attention se tourne donc vers le statut de l’opposition au sein du Parlement.
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L’autre bataille dans l’élaboration de la Constitution reste la place de la religion. Ennahdha avait renoncé à y inscrire une référence à la charia comme source de droit. Mais les députés les plus conservateurs siégeant au sein de la commission du Préambule, notamment Habib Ellouze, sont revenus à la charge et proposent de donner à l’article 1er, selon lequel « la religion de la Tunisie est l’islam », une valeur supra-constitutionnelle.
L’intention est claire : il s’agit de donner à cette référence une valeur normative qui s’imposerait à l’ensemble du système juridique.
La question se joue également au sein de la commission des droits et des Libertés où les députés Ennahdha ont adopté une disposition restreignant la liberté d’expression en ces termes :
« La liberté d’expression, d’information, de création et de l’art est garantie, à condition de ne pas constituer un trouble à l’ordre public et aux bonnes mœurs. »
Les condamnations récentes ont montré que ces allusions à l’ordre public et aux bonnes mœurs pouvaient servir à imposer le respect du sacré dans un sens très extensif.
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Les six commissions devraient prochainement rendre leur copie à une commission de coordination chargée d’harmoniser l’ensemble du texte, qui sera ensuite débattu en séance plénière article par article. La vraie bataille se jouera là.
L’ensemble du texte devra être adopté aux deux tiers de l’Assemblée. (...)