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POLYPHONIES SYRIENNES : ÉCRIVAINS, ARTISTES ET INTELLECTUELS RÉSISTENT
Article mis en ligne le 19 février 2016
dernière modification le 15 février 2016

De la Toile à la Seine

J’ai passé treize jours en Syrie du 15 au 29 mars 2011, au début du soulèvement, avec l’École du Louvre – occasion unique pour découvrir les vieilles pierres et les gens –, et quand je suis rentrée à Paris, je n’ai pas pu détourner le regard. Mais je n’étais pas du tout préparée à affronter « l’État de barbarie » décrit par le sociologue Michel Seurat à la fin des années 70. Encore moins à suivre une guerre en direct.

Pourtant j’avais déjà « couvert » à distance trois révolutions arabes – Tunisie, Égypte, Libye – impressionnée par la façon dont les jeunes activistes utilisaient les réseaux sociaux. J’ai compris, au bout de six mois de manifestations pacifiques réprimées dans le sang, qu’avec la Syrie, ce serait une autre paire de manches, comme M. Poutine avait eu l’obligeance de nous prévenir. Alors, à partir de novembre 2011, j’ai décidé de partir à la rencontre des Syriens de Paris supputant qu’avec leur aide, je parviendrais à mettre les événements qui se produisaient sous nos yeux en perspective et à renouer avec la « longue durée » chère à l’historien Fernand Braudel.

Suivre les écrivains, les artistes et les intellectuels vivant depuis longtemps à Paris – ou arrivés depuis 2011–, d’un lieu universitaire ou culturel à l’autre, c’est découvrir des voix singulières qui ne se connaissaient pas toutes avant 2011, ne se fréquentaient pas souvent, n’avaient jamais travaillé ensemble – sauf exception – et n’avaient aucune expérience de la vie associative, interdite en Syrie. Depuis, ils rattrapent le temps perdu. Les récits et les portraits des personnalités qui composent ce dossier permettent de reconstituer le contexte de la révolte et de dessiner le paysage mental propre à trois générations de Syriens qui, après l’expérience de la censure et de la prison pour beaucoup d’entre eux, ont désormais en partage l’exil et la douleur face à la destruction de leur pays… (...)

Ils continuent d’écrire, de créer, d’intervenir dans le débat public, d’agir pour continuer d’exister et ne pas être réduits au silence.

Enfin, au terme de ce voyage en plein Paris, je me suis rendu compte que nous nous posions les mêmes questions. Pourquoi ce silence face aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité ? Comment en est-on arrivé là ? Comment en sortir ? Comment reconstruire le moment venu ?

C’est une première réponse aux chantres du choc des civilisations. Il y en a une autre, nichée au creux de la langue, qui ne ment pas, contrairement à la propagande. (...)