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Le Monde
« Pandora Papers » : du roi Abdallah II à Tony Blair, des dizaines de dirigeants politiques éclaboussés par le scandale
Article mis en ligne le 5 octobre 2021

La fuite de documents confidentiels, source de l’enquête menée par « Le Monde » et l’ICIJ, révèle que de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement dissimulent leur fortune derrière des sociétés-écrans anonymes.

(...) Cinq ans après les « Panama Papers », l’enquête révèle l’ampleur des dérives de l’industrie offshore et de ses sociétés anonymes. Elle montre comment ce système profite à des centaines de responsables politiques, et comment de nouveaux paradis fiscaux prennent le relais à mesure que les anciens se convertissent à la transparence. (...)

Andrej Babis, premier ministre tchèque

C’est une villa de deux étages avec billard, salle de cinéma, sauna et piscine, entourée d’un gigantesque domaine de seize parcelles dans les collines de Mougins (Alpes-Maritimes), dans l’arrière-pays cannois. (...)

M. Babis n’a pas souhaité répondre aux questions du Consortium, mais « toutes nos transactions ont eu lieu de façon parfaitement légale et nous avons payé toutes les taxes requises », a contesté par e-mail Karel Hanzelka, porte-parole de son groupe, Agrofert. En pleine campagne électorale pour les législatives des 8 et 9 octobre, M. Babis est déjà mis en cause par la Commission européenne parce qu’il continue à diriger ses entreprises en sous-main, alors qu’elles bénéficient de millions d’euros de fonds européens. (...)

Lire aussi :

« Pandora Papers » : des dirigeants rejettent les accusations sur leurs milliards offshores

Plusieurs pays et dirigeants ont rejeté, lundi, les révélations d’une vaste enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) accusant plusieurs centaines de responsables politiques et leurs proches d’avoir dissimulé des avoirs dans des sociétés offshores, notamment à des fins d’évasion fiscale. (...)

Selon ces documents, le roi Abdallah II de Jordanie a créé au moins une trentaine de sociétés offshores – c’est-à-dire dans des pays ou territoires à fiscalité avantageuse – et a acheté, par leur biais, 14 propriétés de luxe aux États-Unis et au Royaume-Uni, pour plus de 106 millions de dollars. (...)

Mis en cause également, le Kremlin a rejeté, lundi, des « allégations infondées ». Selon l’ICIJ, Svetlana Krivonogikh, une femme présentée par des médias russes comme une ex-maîtresse du président Vladimir Poutine, a acquis, en 2003, un appartement pour quatre millions de dollars à Monaco via des comptes offshores. D’autres proches du président sont également cités. (...)

Le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine

Le premier ministre ivoirien Patrick Achi, qui contrôlait une société aux Bahamas jusqu’à au moins 2006 selon l’enquête, a démenti, lundi, toute « action illicite ».

Dimanche déjà, le premier ministre tchèque, Andrej Babis, s’était défendu d’avoir placé 22 millions de dollars dans des sociétés-écrans pour financer l’achat du château Bigaud, une grande propriété à Mougins dans le sud de la France. (...)

Le président équatorien, Guillermo Lasso, a, lui, logé des fonds dans deux trusts dont le siège se trouve aux États-Unis, dans le Dakota du Sud, selon l’ICIJ, qui épingle également les présidents du Chili et de République dominicaine. (...)

Le président congolais Denis Sassou Nguesso a détenu, pendant près de vingt ans, une société offshore dans les Îles Vierges britanniques, tandis que le président gabonais Ali Bongo y a contrôlé, à la fin des années 2000, deux sociétés offshores, selon le quotidien français Le Monde, partenaire de l’ICIJ. (...)

Au total, des liens ont été établis par l’ICIJ entre des actifs offshores et 336 dirigeants et responsables politiques de premier plan qui ont créé près de 1000 sociétés, dont plus des deux tiers aux Îles Vierges britanniques.

Environ deux millions des 11,9 millions de documents proviennent du cabinet d’avocats panaméen Alcogal (Aleman, Cordero, Galindo & Lee) qui, selon l’ICIJ, a joué « un rôle majeur dans l’évasion des taxes » et est impliqué dans la création de comptes pour dissimuler l’argent de plus de 160 personnalités.

« Alcogal rejette ces spéculations, inexactitudes et mensonges », selon un communiqué.

« Cela démontre que les gens qui pourraient mettre fin au secret de l’offshore, en finir avec ce qui s’y passe, en tirent eux-mêmes profit », a commenté, dimanche, dans une vidéo, le directeur de l’ICIJ, Gerard Ryle. « On parle de milliers de milliards de dollars. »

Pour Maira Martini, chercheuse de l’ONG Transparency International, cette enquête apporte une nouvelle « preuve claire que l’industrie offshore fait le jeu de la corruption et de la criminalité financière tout en faisant obstruction à la justice ». « Ce modèle économique » basé sur le secret financier « ne peut plus continuer ».

Shakira et Dominique Strauss-Kahn

Parmi les personnalités citées figurent également la chanteuse colombienne Shakira, la mannequin allemande Claudia Schiffer et la légende indienne du cricket Sachin Tendulkar. (...)

Apparaissent aussi les noms de l’ancien premier ministre britannique Tony Blair, pour l’achat d’un bien immobilier à Londres, du premier ministre libanais Najib Mikati et de l’ancien ministre français Dominique Strauss-Kahn. (...)

L’ex-directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a fait transiter plusieurs millions de dollars d’honoraires de conseil à des entreprises par une société marocaine exempte d’impôts, selon l’enquête.

Au total, selon Le Monde, 600 Français apparaissent dans l’enquête, dont « un conspirationniste d’extrême droite » qui a recouru à une société aux Seychelles « pour vendre livres et pilules miracles ».

Dans la plupart des pays, ces faits ne sont pas susceptibles de poursuites. Mais pour les dirigeants, l’ICIJ dresse un parallèle entre le discours anti-corruption de certains et leurs placements dans des paradis fiscaux.

Le président kényan Uhuru Kenyatta a ainsi maintes fois affirmé sa détermination à lutter contre la corruption et à obliger les officiels Kényans à la transparence quant à leur patrimoine. (...)

Pourtant, selon les « Pandora Papers », M. Kenyatta possède une fondation au Panama et plusieurs membres de sa famille directe détiennent plus de 30 millions de dollars logés dans des comptes offshores. (...)

Créé en 1997 par le Centre-américain pour l’intégrité publique, l’ICIJ est devenu une entité indépendante en 2017. Son réseau compte des journalistes d’investigation dans plus de 100 pays et territoires, avec quelque 100 médias partenaires.

L’ICIJ s’est fait connaître, début avril 2016, avec les « Panama Papers », une enquête appuyée sur quelque 11,5 millions de documents provenant d’un cabinet d’avocats panaméen. Ils détaillaient les avoirs cachés de milliers de clients de Mossack Fonseca, dont des personnalités de premier plan.

L’onde de choc de cette publication a notamment entraîné la démission du premier ministre islandais Sigmundur David Gunnlaugsson et du chef du gouvernement pakistanais Nawaz Sharif.