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Pegasus, ce logiciel israélien dont les gouvernements sont friands pour espionner leurs opposants
Article mis en ligne le 2 juillet 2019
dernière modification le 1er juillet 2019

Elle est accusée d’être mêlée à l’affaire Khashoggi, d’être responsable du hackage de Whatsapp révélé il y a peu, l’un de ses logiciels espions est utilisé pour surveiller des défenseurs des droits humains un peu partout dans le monde… Amnesty International la qualifie d’« entreprise incontournable pour les violeurs des droits humains ». La société israélienne NSO Group est la cible d’actions en justice pour avoir fabriqué et vendu un spyware à des gouvernements qui l’utilisent pour surveiller dissidents et journalistes, voire les assassiner.

« Obtenir justice pour les défenseurs des droits humains victimes de logiciels malveillants » : c’est l’objectif d’une action judiciaire soutenue par Amnesty International en Israël. En cause : NSO Group, une entreprise fondée en 2010 par deux anciens chefs militaires israéliens. Cette entreprise propose notamment un logiciel d’espionnage acheté par plusieurs gouvernements étrangers, qui est ensuite utilisé pour attaquer des défenseurs des droits humains en Arabie Saoudite, aux Émirats arabes unis ou encore au Mexique.

Selon l’entreprise, le logiciel d’espionnage est vendu aux gouvernements pour les aider à combattre le terrorisme et d’autres crimes. « Nous fournissons les outils pour venir en aide aux autorités officielles pour les aider à légalement faire face aux problèmes les plus dangereux », peut-on lire sur le site de NSO Group.
Prise de contrôle à distance du téléphone

À quoi ressemble cet « outil » ? Si un téléphone est infecté par le logiciel « Pegasus », il devient presque entièrement contrôlable de l’extérieur. Le logiciel permet de déterminer la localisation du téléphone, d’activer la caméra et le microphone, d’enregistrer des conversations, et d’avoir accès à toutes les données personnelles (SMS, mails, contacts, photos, vidéos, ainsi que les conversations sur Messenger, Whatsapp ou Instagram). « C’est comme être présent dans le cerveau de quelqu’un », décrit un témoin anonyme au Guardian.

L’entreprise israélienne ne cesse de proclamer la légalité de son produit. Pourtant, selon Amnesty, « NSO Group n’a pas pris de mesures adéquates pour empêcher et freiner l’utilisation abusive de ses technologies. » Le manque de contrôle de ces logiciels invasifs expose les défenseurs de droits humains à des dangers, dont le personnel d’Amnesty. (...)

Des défenseurs des droits humains dans le viseur des gouvernements

Outre cette action judiciaire, l’entreprise ne cesse de multiplier les controverses. En mai dernier, Whatsapp a accusé NSO Group d’exploiter une faille de sécurité dans l’application pour installer son logiciel espion. Autre cas emblématique : d’après Citizen Lab, un think-tank canadien rattaché à l’Université de Toronto, l’Arabie saoudite s’est servi du logiciel pour collecter des informations sur Jamal Khashoggi, récoltant des informations qui ont très probablement permises l’assassinat du journaliste par le régime saoudien à Istanbul en octobre dernier. 55 millions de dollars ont été déboursés par l’Arabie saoudite pour acheter le logiciel. Edward Snowden, lanceur d’alerte américain, a également pointé du doigt la responsabilité de l’entreprise dans l’affaire Khashoggi, lors d’une vidéo-conférence à Tel Aviv en novembre dernier. (...)

Autre victime : Ahmed Mansoor, défenseur des droits humains mondialement reconnu et citoyen des Émirats arabes unis. Condamné à dix ans de prison pour avoir critiqué le gouvernement émirati sur les réseaux sociaux, l’activiste a été la cible d’attaques par Pegasus en 2016.
Une entreprise « hors de contrôle », symptôme d’une industrie lucrative

« NSO est hors de contrôle », a affirmé Amnesty Israël après une article du journal israélien Haaretz, révélant que l’entreprise avait vendu le logiciel au gouvernement saoudien quelques mois avant que celui-ci n’entame une purge de ses opposants. Pendant cette « purge », le régime saoudien a arrêté et torturé des membres de la famille royale et des businessmen accusés de corruption.

Ennemis pendant des décennies, Israël et l’Arabie Saoudite ont aujourd’hui trouvé un terrain d’entente. La valeur de NSO Group est estimée à un milliard de dollars. Celle de l’économie de l’espionnage digitale est quant à elle chiffrée à 12 milliards : le business est en plein essor, et très lucratif. (...)

Une occupation rentable ?

Si NSO Group se fait particulièrement remarquer, elle n’est pas la seule entreprise israélienne à être au cœur de graves controverses. Black Cube est également accusée d’avoir surveillé des opposants de l’ancien chef d’État (2001–2019) de la République Démocratique du Congo, Joseph Kabila. Harvey Weinstein, le producteur en disgrâce et catalyseur du mouvement #metoo, avait engagé Black Cube pour intimider les femmes l’accusant de viols et abus sexuels. Pour couronner le tout, l’entreprise israélienne a visé des ONG afin de les intimider dans le contexte de l’élection présidentielle hongroise, entre décembre 2017 et mars 2018.

Si les méthodes techniques de NSO Group et Black Cube ne sont pas exactement les mêmes, pour le journaliste états-unien Richard Silverstein « leurs objectifs et clients sont remarquablement similaires : des individus, entreprises et États puissants et fortunés qui ont besoin d’intimider leurs ennemis de manière subreptice. » (...)

La frontière entre l’État hébreu et le secteur technologique est très poreuse. Les sociétés de renseignement emploient des anciens agents des services secrets. Tel est le cas pour Black Cube, qui compte parmi ses employés d’anciens membres du Mossad. Concernant NSO Group, ce sont des vétérans de l’équivalent israélien de la NSA aux États-Unis (Unit 8200), qui ont fondé l’entreprise. Cette dernière reste pionnière en matière de cyber-sécurité.

« Ils utilisent la sécurité nationale comme une excuse pour agir en dehors de la loi » (...)