
Nous publions, sous forme de tribune [1], un texte de Patricia Oudit, pigiste depuis 1995 pour de nombreux titres de presse généraliste et spécialisée, qui décrit et dénonce les conditions de travail de plus en plus dégradées des pigistes.
tous les beaux discours de l’après Charlie sur la presse et sa liberté sont retombés comme un soufflé. Plus que jamais la même indifférence à nos conditions de travail, toujours plus de bâtons dans les roues, et cette impression de devoir mendier en permanence : pour monter un sujet et pour se le faire payer (tout court ou le moins mal possible, mais jamais en rapport avec l’énergie et le stress dépensé). Certains d’entre nous se battent depuis des années pour pouvoir faire leur job correctement avec des bouts de ficelle et bientôt on aura même plus des bouts de ficelle. À ce petit jeu, beaucoup ont abandonné ou ont perdu leur carte de presse. Et quand on ne fera plus, faute de moyens, que du copier-coller sur internet et jamais plus de terrain, là, on fera comme pour Charlie : on pleurera tous bruyamment, mais, à postériori, sur un métier qu’on a au mieux, pas défendu, au pire contribué à faire crever à petit feu. (...)
Pigistes de tous les pays, unissez-vous !
Ou le résumé alarmant de la situation des journalistes indépendants, situation qui n’est pas certes pas nouvelle mais qui s’est dramatiquement aggravée ces dernières années.
Travailler plus pour gagner moins.
– Pigiste sous-payé serait-il devenu un pléonasme ? Pigistes voudrait-il dire pigeons ? Oui, si l’on en croit le manque de pugnacité de ces derniers à contester les baisses de salaire affolantes de ces dernières années. De peur de perdre une collaboration régulière, la majorité s’écrase. Et finit par être écrasée. (...)
Le tableau n’est guère engageant, mais c’est la réalité de notre métier. Aujourd’hui, nous survivons dans une zone sinistrée où solidarité et confraternité n’existent plus. Bien sûr, il y a ici et là quelques individualités qui sont à l’écoute, mais elles ne peuvent pas grand-chose, sinon nous témoigner encouragements dans ce système ultralibéral, où le pigiste est, toujours, et plus que jamais, la dernière roue du carrosse. Jusqu’à quand pourra-t-on tenir ?