
Les élections se sont soldées par un échec de la gauche, d’autant plus dur que l’écart entre Le Pen et Mélenchon était faible. Les conséquences de la division ont ainsi été mises en lumière. Ce n’est pas pour autant qu’il faut oublier toutes les différences et crier à l’union sans réfléchir, mais il faut s’organiser avant les législatives pour espérer limiter les dégâts du quinquennat à venir.
1,2% du vote et 421 420 voix. Voilà ce qui manquait dimanche soir à L’Union Populaire pour se qualifier au 2nd tour, et ainsi espérer faire gagner un programme de gauche, ou au moins recentraliser le débat public sur les sujets écologiques et de justice sociale. Un enjeu louable et certainement désiré par la large majorité des électeurs EELV, communistes, ou même les rares socialistes restants.
Et pourtant, les candidats de ces partis là, sachant pertinemment qu’ils n’avaient aucune chance de gagner, se sont malgré tout maintenus dans la course jusqu’au bout. Ils ont ensemble récolté plus de 3 millions de voix, soit plus de 7 fois la quantité nécessaire pour que les insoumis rattrapent l’écart avec l’extrême droite. On peut se demander quelles étaient leurs raisons. Peut-être les différences programmatiques et de valeurs justifiaient cette division ? C’est difficile à croire, quand on sait que Fabien Roussel et le PCF ont rejoint la candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2012 et en 2017, et que leur programme cette année restaient sensiblement les mêmes, à l’exception près du sujet de l’énergie nucléaire. Sujet sur lequel LFI s’est toujours dite disposée à négocier, si c’était nécessaire pour l’alliance. C’est difficile à croire, quand on sait que Greenpeace, dont Yannick Jadot était militant, considérait que les programmes insoumis et verts se valaient bien niveau écologie, ce défi du siècle sur lequel le GIEC nous avertissait qu’il ne nous reste plus de quinquennat à perdre. C’est difficile à croire, lorsqu’on voit la virulence des attaques de ces "petits" candidats envers le seul de leur camp ayant une chance de gagner, et que l’on observe le contraste entre ces propos à la limite de la diffamation et la rapidité avec laquelle ils ont tous appelé à voter Macron dès que sonnaient 20h dimanche soir ; candidat avec laquelle la différence est à priori bien plus grande, non ? Le barrage pouvait se faire au premier tour en soutenant la gauche, plutôt qu’au second en soutenant la droite.
La réalité, ou du moins celle perçue par les électeurs comme moi-même, est que ces candidats ont préféré assurer la survie de leur partis plutôt que celle des idées qu’ils sont censés défendre. Ils ont préféré des candidatures de témoignage, dont le seul but était d’atteindre les 5% du seuil de remboursement. Peut-être pensaient-ils la bataille perdue d’avance, et que ce choix de continuer en cavalier seul était stratégique, pour selon eux mieux reconstruire après une inévitable défaite. Mais l’évitabilité évidente de cette défaite fait qu’ils en portent aujourd’hui une lourde responsabilité.
Cela dit, se résigner n’est pas une option. Le futur président ou la future présidente est aujourd’hui en situation très fragile par rapport à ses capacités à avoir une majorité à l’assemblée nationale. Imposer ainsi une cohabitation permettrait de limiter les dégâts et peut-être même accomplir quelques progrès sociaux et écologiques. La seule manière de réussir ce tour de force aujourd’hui est un accord entre les forces électoralistes qui se réclament de la gauche ; La France Insoumise, Europe-Ecologie Les Verts, le Parti Communiste Français, et ce qui reste du Parti Socialiste, voir même leurs scissions comme Génération.s. (...)
La France Insoumise a recueilli plus de 71% du vote de gauche non-révolutionnaire, ce sont eux qui seront le fer de lance de ce mouvement, et c’est sur la base de leur programme que doit se constituer un accord sur les idées et les projets à défendre. Ainsi, le programme en commun défini devra porter les principales revendications des insoumis même si les partenaires mineurs auront des hésitations ; faire trop de compromis, surtout avec des partis ayant participé au quinquennat Hollande, viderait le mouvement de son énergie et de son sens, et mènerait droit vers un échec. Viennent ensuite les verts à 15%, les communistes à 8%, et les socialistes à 6%. (...)
il est indéniable que ce seront les insoumis qui auront la légitimité pour être la composante centrale d’une coalition, et faire autrement serait un manque de respect au choix démocratique de dimanche dernier. (...)
Si alliance il y a pour les législatives, la répartition des circonscriptions peut et doit se faire intelligemment. (...)
Et n’oublions pas que le vrai adversaire reste et restera toujours "la droite et ses excroissances brunes", comme avait dit Marie-George Buffet pendant la campagne. (...)
Néanmoins, il y a plusieurs obstacles à ce Front Populaire moderne. Et ils sont à même de dégoûter encore plus les français de la politique s’ils devaient empêcher toute union. Le premier est le calcul dû au financement public des partis, qui dépend des résultats aux législatives et du nombre de parlementaires élus. (...)
Il y a peut-être des désaccords entre ces 4 formations, mais les accords sont normalement bien plus importants non ? Par ailleurs, n’oublions pas qu’une alliance électorale n’engage pas à être en accord tout le temps. Les formations peuvent bien coopérer le temps de remporter les sièges, puis si c’est souhaité, former vos groupes indépendants à l’Assemblée Nationale et diverger sur vos votes. Ce n’est pas comme l’élection d’un président qui restera seul au pouvoir. (...)
Le second point contentieux est encore plus risible, et il s’agit des vendetta personnels entre cadres des partis. Si l’alliance ne devait pas se faire faute à des arguments de cour de récréation comme "oui mais il voulait pas que je sois tête de liste" ou "oui mais il est allé débattre avec Zemmour", ce serait aussi regrettable que ridicule. Quand on se propose pour diriger un pays, on est censés être capable de faire la part des choses et de reconnaître les moments où l’urgence de la situation justifie de pouvoir s’entendre avec la personne que l’on critiquait la semaine dernière. Pour cela, il faut reconnaître que Jean-Luc Mélenchon n’a pas passé sa campagne présidentielle à attaquer le reste de la gauche, il s’est concentré sur la droite et sa version extrême. (...)
si des insultes sur Twitter devaient empêcher toute opposition à la politique austère, écocide, et discriminatoire du duo en tête au second tour, on ne devrait plus être capables de se regarder dans une glace. J’appelle donc aux excuses, aux réconciliations, entre dirigeants et entre militants, pour finir par trouver un accord commun basé sur un programme réellement de gauche qui a réuni 22% des suffrages. Car oui, pour se réclamer de la gauche aujourd’hui, il faut reconnaître que parmi toutes ces formations, c’est LFI qui se rapproche le plus des besoins et des désirs réels des français. Et à ce titre, ils doivent avoir un rôle primordial dans cet éventuel union.
Le second tour va vraisemblablement être très serré, et les deux candidats sont détestés par une large partie de la population, il est tout à fait envisageable que ni l’un ni l’autre ne puisse remporter une majorité et que la gauche unie soit capable de forcer une cohabitation. Oui, c’est une vision idéaliste que j’ai actuellement, et je ne m’attends aucunement à ce qu’une union se fasse réellement. Car j’ai déjà été trop déçu auparavant. Mais j’écris ce texte parce que je veux donner mon soutien à cette potentielle union, que je vois déjà réclamée non seulement par les militants, mais par certains dirigeants de partis comme Olivier Faure ou Ian Brossat. Et tant qu’il y a un tant soit peu d’espoir, je ne pourrais pas arrêter d’être naïf. (...)
Les divisions sur question d’égo ou d’intérêts de parti nous ont déjà coûté cette présidentielle. Dirigeants et militants de la gauche électoraliste française, vous avez une chance de vous rattraper. Surprenez nous, en bien pour cette fois.