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Plaidoyer pour l’Utopie
ELFO Etude Libertaire
Article mis en ligne le 5 avril 2021
dernière modification le 4 avril 2021

De Thomas More à Jean Grave en passant par Charles Fourier, le roman utopiste est apparu comme un moyen de penser l’avenir. Par le récit et par les idées, imaginer une autre société, de nouvelles formes d’organisation qui font table rase des trônes, des despotes et des institutions en vigueur.

Il nous faut d’abord revenir sur l’étymologie du terme « Utopie » créé par Thomas More en 1516 dans son ouvrage éponyme. Utopie vient du grec « topos » le lieu en grec et le préfixe « u » signifiant la négation. L’utopie, c’est donc le non-lieu, l’endroit qui n’existe pas car dans un monde sans existence. L’imaginaire des possibles est sans frontière.

Table rase des règles qui semblent inaliénable pour l’Homme, des lourds passés et des constructions sociales. Quand s’ouvre la page de l’ « Utopie », s’ouvre la page de la révolution, c’est à dire un changement rapide et brutale. (...)

L’utopie, c’est penser la société en dehors de celle qui nous enferme. Car l’utopie a bien une règle, c’est celle d’offrir un ailleurs idyllique, rêvé, une société idéalisée où il fait bon vivre. Que ce soit une Utopie qui surgisse dans le réel comme avec Georges Eeckhoud dans « Escale-Vigor » ou une utopie déjà présente et que le lecteur découvre à travers le héros. (...)

Jean Grave, "Terre Libre"
Dans cet ouvrage, c’est suite au naufrage d’un navire d’ouvriers déportés que se crée sa société idéale. Une société égalitaire, libertaire et fraternelle.

En effet, ils arrivent naufragés sur une île déserte et doivent tout faire. Partant de zéro, ils ont le choix de décider de leurs moyens pour survivre, se développer et fonder une colonie prospère. Ils prennent les décisions tous ensemble, chacun a voix au chapitre pour donner ses idées et décider des projets de leur colonie. Jean Grave dans « Terre Libre » ne propose pas un système de décision par la majorité ou par l’unanimité mais par celle du nombre d’adhérents à l’idée permettant sa faisabilité. C’est-à-dire que si un projet n’atteint pas l’unanimité mais qu’il y a assez de convaincu pour le mettre en place, alors celui-ci doit exister. (...)

le terme d’utopie est encore souvent malmené. Que ce soit par des politiques de tout bord criblant d’ « utopie » les projets de leurs adversaires politique, comme ce fut le cas du projet de revenu universel prôné par Benoît Hamon ou dans le sens commun. Combien de fois avez-vous entendu dire « mais c’est utopique » ? Car le changement fait peur, car c’est l’ouverture vers l’inconnu ; vers quelque chose qu’on ne peut maîtriser car on ne connaît pas aussi bien cet objet à venir que celui qu’on vit actuellement.

Le terme est donc devenu de nos jours un terme péjoratif. Un terme réservé aux rêveurs, à ceux qui souhaiteraient voguer vers d’autres horizons, que ce soit politiquement ou non. L’Utopiste devient le pestiféré, le doux rêveur qui est un fardeau pour la société car il vit plus dans l’imaginaire que dans le réel. Mais le rêveur n’est-il pas celui qui a toujours créé le changement ? (...)

Tous ceux qui ont lutté contre le capitalisme en réclamant plus de droit aux ouvriers, en bannissant le travail des enfants, en réclamant les congés payés. N’étaient-ils pas à l’origine des utopistes ? Transformer par la lutte les idées en action, comme la philosophie des lumières par la révolution. Tous ceux qui en général se sont battus pour leurs idées, leurs convictions, pour plus de droit et de pouvoir pour tous, c’est-à-dire de liberté d’action, sont apparus comme des utopistes. Comme Louise Michel qui s’est battue pour défendre la cause des femmes, comme Simone Veil et l’avortement, comme Badinter et la peine de mort. Combien sont apparus comme des utopistes ?

L’utopie, le rêve comme moyen d’action

Le changement n’aurait jamais pu exister sans les rêveurs, sans tous ceux qui proposaient de dépasser les schèmes de leur temps. (...)

Et même si ils n’arrivent jamais au bout de leur traversée, ils auront au moins traverser des étapes en proposant, en débattant et en échangeant toujours. Les idées ne sont pas faites pour être oubliées dans un coin de sa tête mais pour être partagées aussi folles soient-elles, pour amener à la réflexion et nourrir le champ des possibles. (...)

De ces utopies sont nés des projets tel les phalanstères de Fourier, des expériences dans le réel pour faire vivre l’utopie en dehors de la théorie. Beaucoup de ces projets ont été inféconds mais comme de nombreuses tentatives de communauté socialiste ou libertaire. Pourtant il ne faut pas abandonner, l’échec n’est pas une fin en soi mais la richesse d’une expérience. Échouer n’est pas grave. Il faut savoir tomber pour mieux se relever et retenter, reproposer.

Penser l’impossible, c’est déjà faire apparaître sa réalité tangible. Agir, c’est la faire exister. Alors pourquoi l’utopie d’aujourd’hui ne deviendrait pas la société de demain ?

« L’utopie n’est pas l’irréalisable, mais l’irréalisé. » -Théodore Monod.