
Le pluralisme dans les médias, entendu de façon élargie et dans toutes ses dimensions, englobe ou devrait englober, en prenant soin de les distinguer, la pluralité des opinions, la diversité des informations, la variété des goûts et des cultures.
Garantir la pluralité des opinions, soit ! Mais lesquelles. Ces opinions peuvent émaner de plusieurs sources et concerner les domaines les plus divers. C’est pourtant la pluralité des opinions politiques – l’expression de pluralisme politique dans les médias – qui fait l’objet des principales attentions.
(...) on ne saurait confondre ces deux formes de pluralisme :
– le pluralisme institutionnel et partisan : l’expression de pluralité des institutions et des partis politiques dans les médias et la représentation qui est accordée à chacun d’eux ;
– le pluralisme politique éditorial : l’expression des opinions politiques propres à chaque média, mais aussi au sein de chacun d’entre eux et, plus généralement, dans tous les médias, que ces dernières expressions émanent des journalistes eux-mêmes ou d’autres commentateurs. (...)
Sauf à se laisser berner par un électoralisme de pacotille, la focalisation sur la comptabilité des temps de parole et des temps d’antenne des partis et des institutions politiques masque l’évaluation du pluralisme éditorial qu’il soit strictement politique ou s’étende à d’autres domaines : les questions économiques, les questions écologiques, les questions de société, les questions internationales.
– Quel pluralisme éditorial, dès lorsqu’ il est strictement politique, peut être garanti quand les commentaires prennent le pas sur les informations et que ces commentaires sont confiés à des journalistes qui se comportent en accompagnateurs plus ou moins distants des principaux partis et des principales institutions ? Quand ce journalisme de microcosme est flanqué de politologues qui se prévalent d’une prétendue science, de sondologues qui prétendent lire dans les entrailles de l’opinion et de communicants qui confondent la politique et la publicité ? Quand enfin les débats les confrontent le même et le presque pareil, si ce n’est toujours par leur orientation politique, du moins par leur conception de la politique ?
– Quel pluralisme éditorial, dès lorsqu’il s’étend à des questions dont la politique s’empare, mais qui ne se réduisent pas à un traitement partisan, peut être garanti quand, chaperonnée par de commentateurs omniprésents parce qu’ils se croient ou qu’on les croit omniscients, l’expression sur ces questions est monopolisée par un cercle restreint de spécialistes et d’experts ajustés aux opinions dominantes ? Quand, en particulier, un « nous » occidental et européen conditionne la plupart des analyses ? Ou encore quand l’orthodoxie économique libérale et les lobbys qui la servent dominent à la fois l’espace académique et l’espace médiatique ? (...)