
Des maisons capables de s’autoalimenter en énergie poussent sur plusieurs continents. Mais les earthships, vaisseaux de terre, ou géonefs, vont plus loin : elles sont construites à partir de matériaux recyclés et s’harmonisent avec la terre, l’air, l’eau et le soleil.
En février dernier, un étrange bâtiment sortait de terre à Jaureguiberry, près de Montevideo, la capitale de l’Uruguay. Une école pas comme les autres, aux allures de vaisseau spatial. Pendant plusieurs semaines, des volontaires avaient participé à ce chantier, entassant les pneus, les bouteilles de verre et les canettes en aluminium.
L’école de Jaureguiberry appartient à la grande famille des « Earthships », connus aussi sous le nom de « géonefs », en français. Ces « vaisseaux de terre », construits à partir de matériaux recyclés, sont conçus pour rendre leurs habitants le plus autonomes possible.
Imaginés par l’architecte états-unien Michael Reynolds au début des années 1970, les géonefs s’inspirent des principes de l’architecture bioclimatique : ils utilisent au maximum les énergies naturelles qu’un site et son environnement peuvent garantir. Dans son concept, Michael Reynolds va plus loin, en intégrant la réduction des déchets. Il décide de recycler des « ordures » en matériaux de construction. Les pneus, remplis de terre et enfouis, servent de murs ; les canettes, empilées les unes sur les autres, font de très bonnes briques ; et pour la décoration, des fonds de bouteilles en verre incrustés dans les cloisons apportent de la couleur et de la lumière dans les différentes pièces. (...)
Plus de facture d’électricité pour la famille de Stefaan et Nele, qui ont racheté l’unique Earthship français, situé à Ger, dans la Manche. Comme tant d’autres qui ont choisi les géonefs, ce couple d’origine belge est off the grid, selon l’expression anglaise, soit « hors réseau », y compris pour l’eau courante. (...)
Certains habitants des Earthships combinent serre et potager, et ne fréquentent même plus les supermarchés. Nele et Stefaan n’en sont pas encore là. Mais sous leur serre, des clémentines et des courges pointent le bout de leur nez. (...)
Côté empreinte écologique, la géonef a bien sûr ses limites. L’utilisation des pneus, ou encore de déchets qui pourraient être recyclés autrement, peut poser question. Des doutes concernent aussi les batteries, constituées de métaux lourds et polluants, qui sont reliées aux panneaux solaires. Enfin, les vaisseaux de terre ne sont pas adaptés à tous les climats. Pourtant, à en croire les habitants espagnols ou normands, la température reste agréable (au « grand » minimum 14 °C, mais plus souvent supérieure à 20 °C), même lorsqu’il gèle dehors. « Il faut accepter qu’il ne fasse pas toujours 21 °C dans une maison », constate Olivier Queste, qui assure que « le bilan global d’un Earthship est très écologique ». (...)
Souvent, ce sont des chantiers participatifs qui permettent la construction des géonefs. À Jaureguiberry, les travaux n’ont finalement duré que quelques semaines, grâce à de très nombreux volontaires, et à toute la communauté, parents d’élèves et enfants, qui s’est mobilisée autour de ce projet. Car le principe de la géonef est aussi là : donner les moyens à quiconque de construire sa propre maison, avec l’aide d’une communauté solidaire. Un principe qui séduit aussi dans les pays en développement (...)