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la Croix
Policiers et gendarmes recourent à la participation citoyenne
Article mis en ligne le 23 septembre 2014

Les nouvelles technologies permettent des échanges jusqu’ici inédits entre enquêteurs et citoyens.

L’implication croissante de la population dans les missions de sécurité alimente les controverses au sein même des forces de l’ordre.

Le 15 août 2014, un vol de tracteur met en émoi le petit village d’Abbaretz (Loire-Atlantique). Jusqu’ici, rien que de très banal. La suite surprend davantage. À peine prévenue, la gendarmerie envoie un SMS à 600 agriculteurs des environs. Pour qu’ils redoublent de vigilance et, accessoirement, qu’ils lui signalent tout élément suspect aux alentours. La profession ouvre l’œil, et ça marche. Quelques heures plus tard, le dispositif d’alerte fonctionne à plein : l’engin est localisé par l’un des agriculteurs en veille et rendu à son propriétaire. Chose rare, l’enquête est bouclée dans la journée.

PLUS DE 80 000 TÉLÉCHARGEMENTS EN DEUX SEMAINES POUR L’APPLI « STOP CAMBRIOLAGES »
Un cas isolé ? Pas vraiment. « Nous mettons en place de plus en plus de dispositifs de ce type, le plus souvent en partenariat avec les chambres de commerce, explique Élise Tabarant, commandant de gendarmerie en Loire-Atlantique. Les professionnels sont très demandeurs, notamment les agriculteurs, les bijoutiers ou les opticiens. »

À 400 km de là, c’est une appli pour téléphone portable, « Stop Cambriolages », qui bouleverse petit à petit le quotidien des gendarmes de la Gironde (...)

Jusqu’à présent gendarmes et policiers ne s’adressaient à la population que par médias interposés. Notamment dans le cadre d’affaires graves exigeant une réactivité immédiate (enlèvement de mineurs, recherche de terroristes, etc.). Le reste de l’activité délinquante n’était pas relayé. Les nouvelles technologies changent tout.

« À terme, on pourra contacter tout le monde, en temps réel et sans se limiter aux affaires les plus graves », s’enthousiasme un officier place Beauvau. En temps de disette budgétaire, les pouvoirs publics poussent en ce sens. « À l’heure où la présence des agents sur le terrain ne cesse de diminuer, on parie sur une implication citoyenne grandissante en matière de sécurité », constate Christian Mouhanna, chercheur spécialiste des questions de police et de justice.

Aujourd’hui en effet, seul 5 % de l’effectif total des policiers patrouille sur la voie publique. (...)

Qu’on ne s’y trompe pas toutefois. Si la hiérarchie salue cette évolution, les agents de terrain se montrent plus divisés. « La sécurité doit rester entre les mains des professionnels assermentés et formés aux règles de déontologie, estime Cédric Michel, président du Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM). Le reste, c’est du bricolage… » Comme lui, une partie de la profession redoute que la « coproduction de sécurité » participe d’un climat anxiogène déjà bien pesant. Voire encourage carrément à la délation.

Un risque réel si l’on considère le profil des citoyens se portant spontanément volontaires pour renseigner les forces de l’ordre. « Ce sont des gens plutôt inquiets, suspicieux, qui se font un monde d’un rien ou qui voient le mal partout… Souhaite-t-on vraiment accentuer encore cette tendance ? », s’interroge un gradé de la police nationale. (...)

es agents les plus récalcitrants s’étonnent aussi de l’absence de débat public sur le sujet. « Impliquer la population dans le travail de la police, c’est remettre profondément en question le caractère régalien de la sécurité, ça mérite qu’on en parle ouvertement, non ?,s’emporte Cédric Michel. On joue quand même avec les libertés publiques ! » (...)