
François Hollande et Najat Vallaud-Belkacem avec les présidents d’UniversitéCela va de plus en plus mal à l’Agence nationale de la recherche (ANR). Cette agence de financement sur appel d’offre compétitif vient d’encaisser un coup dur avec la démission, le 6 juin, de la totalité des membres de son comité chargé d’évaluer et classer les projets déposés par les chercheurs en mathématiques et informatique. Une démission « en bloc », expliquent-ils, pour « protester contre la confiscation des choix scientifiques par une gestion entièrement administrative ».
Contradiction d’origine
Cette nouvelle crise puise ses racines dans la contradiction d’origine de cette agence. Elle fut créée il y a 12 ans par le gouvernement de l’époque en organisant la confusion entre une demande de certains chercheurs lors du mouvement de protestation de 2004, lancé par Sauvons la recherche, animé notamment par Alain Trautmann, et la volonté du pouvoir politique de comprimer les dépenses de recherche tout en les contrôlant de manière plus serrée. La volonté des chercheurs qui soutenaient cette idée était de faciliter l’accès à l’indépendance scientifique et budgétaire des jeunes chercheurs relativement à la structure des laboratoires ou des instituts (ex-départements) du CNRS ou d’autres organismes. Et de profiter de cette nouvelle manière d’attribuer les crédits pour obtenir une augmentation de l’enveloppe globale de recherche.
Le résultat fut à l’inverse. D’une part, les crédits de l’ANR en croissance rapide au début ont été dégagés au détriment des crédits directement versés aux organismes de recherche, réduisant ainsi leur capacité à conduire une politique scientifique. Et d’autre part, le gouvernement a sans cesse voulu la contrôler étroitement, par la nomination des dirigeants de l’ANR comme par la volonté d’y imposer une politique scientifique en écartant, par exemple, tout conseil scientifique doté d’un minimum d’indépendance pour l’élaborer. L’objectif était en particulier de « réorienter » la recherche publique vers les besoins des entreprises au détriment de la recherche de base. (...)
Le comité s’inquiète aussi de la perte annoncée de son indépendance, puisque son président sera désormais employé par l’ANR. (...)