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le Point
Pour Patrice Franceschi*, auteur de « Mourir pour Kobané », laisser le champ libre à Erdogan contre les Kurdes est une « faute morale et politique ». Entretien.
Article mis en ligne le 13 octobre 2019

Patrice Franceschi : Les Kurdes sont exactement dans le même état d’esprit que lors de la bataille de Kobané contre Daech en 2015. Ils sont prêts à se battre jusqu’au bout. Il s’agit de la survie de leur peuple. Ils se battent pour leurs familles. Pour leur dignité. Ils savent qu’Erdogan est là pour en finir avec le peuple kurde. En finir ! C’est exactement ça.

Que peut la communauté internationale ?

Il faut obliger Donald Trump à prendre ses responsabilités. Et d’ailleurs, aux États-Unis, le Congrès est scandalisé : car ce que fait Erdogan n’est pas seulement une violation flagrante du droit international. Il s’attaque à nos alliés, à des gens qui ont combattu Daech pendant six ans sur le terrain, alors que nous ne voulions pas, nous Occidentaux, engager de troupes au sol.

Le Conseil de sécurité ne doit pas seulement condamner l’agression turque. Il doit décider de lourdes sanctions contre Ankara. Des sanctions économiques et diplomatiques qui font mal. Il n’y a que ça qu’Erdogan comprendra. Quand les troupes turques sont entrées dans Afrin en 2018, nous n’avons rien dit. N’ajoutons pas la honte et le déshonneur à l’indifférence. C’est une faute morale et politique de laisser Erdogan massacrer les Kurdes. (...)

les Turcs vont encourager Daech à se repositionner et à reconstituer des cellules pour affaiblir les Kurdes. La Turquie a toujours utilisé les djihadistes pour affaiblir ses ennemis. À Afrin, ils utilisent aujourd’hui des supplétifs, des ex-combattants d’Al-Qaïda ou de Daech. C’est enfin une faute politique, car il ne s’agit pas d’un petit conflit lointain. Il s’agit aussi de la crédibilité de l’Occident au Sahel ou en Afghanistan. En lâchant les Kurdes, les Américains envoient des signaux inquiétants à tous ceux qui luttent contre les djihadistes. On ne maltraite pas des alliés qui se battent contre nos ennemis. (...)

les Kurdes savent qu’ils peuvent compter sur la France. Paris a plutôt renforcé son dispositif sur le terrain ces derniers mois. Emmanuel Macron a accueilli officiellement ou plus confidentiellement plusieurs délégations kurdes depuis quelques mois et tout récemment, il a entraîné l’Allemagne et la Grande-Bretagne pour qu’ils soient à nos côtés, sur la même ligne, au Conseil de sécurité. Jean-Yves Le Drian a eu les mots justes. (...)

La France a une attitude digne, mais nos moyens militaires sont limités. Il faut que la France pousse ses partenaires européens à prendre des sanctions économiques contre Ankara. La Turquie a plus besoin de l’Europe que l’inverse. À tout le moins, l’Union européenne pourrait rappeler demain ses ambassadeurs. Cela ne coûte que 28 billets d’avion, mais cela a le mérite de faire immédiatement comprendre aux Turcs notre colère. C’est curieux, mais lorsque Poutine a annexé la Crimée, les Européens ont trouvé les ressources pour sanctionner Poutine. Quand la Turquie viole les frontières et massacre nos alliés, nous nous taisons. Nous aurions donc moins peur de Poutine que d’Erdogan ? (...)

en face de nous, nous avons une sorte de Hitler du Bosphore. Il ne faut pas refaire les mêmes erreurs que dans les années 1930. Excluons la Turquie de l’Otan ! Et surtout protégeons nos meilleurs alliés dans la région. Ce qui se passe aujourd’hui, ce n’est pas du tout un affrontement entre l’Occident et Orient, car de nombreux pays arabes sont eux aussi scandalisés par l’agression d’Erdogan. C’est un affrontement entre le monde libre et le totalitarisme. Et, oui, dans ce combat, nous avons notre mot à dire. (...)

Il n’est plus le temps de palabrer ! Il faut montrer à Erdogan qu’en face de lui, il a des gens qui ne lâcheront pas les Kurdes. Il n’y aura pas un second Munich en 2019. Erdogan veut installer 2 millions de réfugiés sur les terres kurdes : c’est du nettoyage ethnique. Ne laissons pas faire. Cela nous reviendra en boomerang !