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Pour importer plus de soja et de pesticides, le port de La Rochelle veut racler les fonds marins
Article mis en ligne le 22 juin 2020

Afin de « rester compétitif », le port de la Rochelle veut augmenter son tonnage, quitte à racler le fond de l’océan pour pouvoir importer toujours plus de produits forestiers, de tourteaux de soja, d’engrais et de pesticides.

Devenir un territoire « zéro carbone » : c’est l’ambition proclamée par la ville de La Rochelle et son agglomération, qui a été retenue l’an passé parmi les lauréats de l’appel à projets national Territoires d’innovation. Selon la ville de La Rochelle, « 130 partenaires publics et privés sont engagés dans cet ambitieux projet humain et urbain qui vise à apporter des réponses concrètes au changement climatique en améliorant la qualité de vie des citoyens ».

Or, au même moment, Port Atlantique La Rochelle, le port de commerce de La Rochelle, s’est lancé dans un vaste projet, dont les conséquences environnementales suscitent réserves et oppositions, sans entraver pour l’heure la détermination des opérateurs. Son nom de code : « Port Horizon 2025 ». Les responsables du port de La Rochelle misent sur un fort accroissement du transport maritime d’ici 2040, et la nécessité, « pour rester compétitif », d’accueillir des navires de plus en plus gros, pour lancer un programme d’extension du port évalué à plus de 80 millions d’euros. Il s’agit notamment de considérables travaux de dragage et de déroctage — ce qui consiste à briser à l’explosif les rocs encombrant des fonds marins — afin d’approfondir les espaces maritimes du port et son chenal d’accès : 550.000 m3 de vases à draguer et 700.000 m3 de matériaux à dérocter.

De l’aveu même des responsables de Port Atlantique La Rochelle, ce projet « induira des impacts significatifs sur la faune terrestre », alors que la zone portuaire de La Rochelle est bordée par des zones cruciales pour l’habitat de certains oiseaux nicheurs, dont une zone Natura 2000. Une « raison d’intérêt public majeur » a été invoquée pour demander une dérogation au titre de la réglementation sur les espèces protégées, qui a été finalement accordée en septembre 2019 en dépit des réserves de l’Autorité environnementale et de l’avis défavorable du Conseil national de protection de la nature (CNPN). (...)

Or, le Port de la Rochelle, maître d’ouvrage du projet Port Horizon 2025, est un établissement public de l’État, sous tutelle… du même ministère de la Transition écologique et solidaire. Difficile d’être davantage juge et partie. (...)

« Une nouvelle pollution radioactive généralisée à l’ensemble des pertuis charentais » (...)

Autre sujet d’inquiétude, et non des moindres : pendant plus de vingt ans, jusqu’en 1994, une usine Rhône-Poulenc, spécialisée dans le traitement des terres rares (usine aujourd’hui exploitée par le groupe Solvay, classée Seveso, comme six autres sites sur le port de La Rochelle), a rejeté plusieurs milliers de tonnes de métaux lourds et de déchets radioactifs (le thorium), qui se sont fixés, avec le temps, dans les sédiments vaseux fins du pourtour de La Rochelle. (...)

Le 24 janvier dernier, plusieurs associations de protection de l’environnement ont saisi le préfet maritime Sud-Atlantique, la préfète de la région Nouvelle Aquitaine, et le préfet de Charente-Maritime : « La remise en suspension des particules contaminées aboutira à une nouvelle pollution radioactive généralisée à l’ensemble des pertuis charentais », ont-elles déploré.

Le 16 décembre 2019, le conseil municipal de La Rochelle a donné son aval au chantier Port Horizon 2025, par 21 voix pour, 8 contre et 10 absentions. Le projet est donc loin de faire l’unanimité. (...)

Surtout, les différents rapports sur le transport maritime et le développement durable évoquent exclusivement la question des navires, mais jamais la nature de ce qu’ils transportent.

Sixième port français, le Port de La Rochelle est le premier importateur en France de produits forestiers et de pâte à papier. (...)

Au XVIIIe siècle, La Rochelle était le second port négrier français, derrière Nantes. Les armateurs de l’époque avaient déjà envisagé et effectué une extension du port en vue de l’augmentation du trafic d’esclaves (...)

En tout cas, le projet Port Horizon 2025, tant par les conséquences environnementales locales de son chantier que par les « impératifs économiques », mis en avant pour le justifier, est pour ses opposants en total décalage avec la nécessité de faire face à l’urgence climatique, a fortiori au cœur d’un territoire qui se proclame « zéro carbone ».