
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) pointe, dans un avis rendu mercredi 4 janvier, le « tournant » en matière de surveillance numérique que constitue le projet de loi sur les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
Ce texte prévoit, notamment, d’autoriser la collecte de l’ADN des sportifs dans le cadre de la lutte antidopage, d’installer des scanners corporels à l’entrée des enceintes sportives ou encore d’autoriser « à titre expérimental » l’usage de drones équipés de caméras « intelligentes ».
« Le déploiement, même expérimental, de ces dispositifs de caméras augmentées est un tournant qui va contribuer à définir le rôle qui sera confié dans notre société à ces technologies, et plus généralement à l’intelligence artificielle », alerte la Cnil. (...)
Concrètement, ce dispositif consiste en des drones équipés de caméras jumelées à un algorithme capable « de détecter et de signaler en temps réel des évènements prédéterminés » et ainsi de repérer des mouvements de foule ou des bagarres aux abords des enceintes sportives.
« Si de tels objectifs sont légitimes », concède l’avis, « le recours à de telles technologies à des fins de prévention de terrorisme et d’atteinte à la sécurité des personnes est inédit en France ». En effet, « ces outils d’analyse automatisée des images peuvent en effet conduire à un traitement massif de données à caractère personnel », insiste la Cnil.
« Ils ne constituent pas une simple évolution technologique, poursuit l’avis, mais une modification de la nature des dispositifs vidéo, pouvant entraîner des risques importants pour les libertés individuelles et collectives et un risque de surveillance et d’analyse dans l’espace public. »
La Commission rappelle par ailleurs qu’elle avait rendu publique, au mois de juillet dernier, sa position sur la question des caméras « augmentées ». En effet, la Cnil estimait que ces technologies ne pouvaient être utilisées que sous certaines conditions.
Et, dans son avis sur le projet de loi, elle considère que ce dernier « prend en compte une large partie de ses recommandations » : un « encadrement » au « niveau législatif », des analyses automatisées limitées « à des hypothèses restreintes », à savoir des évènements présentant des risques particuliers, et enfin « un certain nombre de garanties à même de limiter les risques d’atteintes aux données à caractère personnel ». (...)
La Commission se satisfait notamment que le gouvernement ait limité cette expérimentation dans le temps et exclu le recours à la reconnaissance faciale, ainsi que la possibilité d’interconnexion avec d’autres fichiers qui permettraient par exemple d’identifier une personne pour lancer des poursuites contre elle.
L’avis souligne par ailleurs qu’il ne doit s’agir que d’une expérimentation qui devra faire l’objet d’une évaluation et qui « ne saurait en aucun cas préjuger d’une éventuelle pérennisation de ces systèmes ».
Le projet de loi autorise également le déploiement de scanners corporels à l’entrée des lieux qui accueilleront les compétitions. Sur ce point, la Cnil « rappelle que la mise en œuvre d’un scanner corporel constitue un traitement de données à caractère personnel » pouvant être particulièrement intrusif. Mais, pour limiter ces atteintes « à la vie privée et l’intimité des personnes », le gouvernement a apporté des « garanties », salue la Cnil. (...)
Pour assurer la sécurité des lieux publics liés aux Jeux olympiques, dont les multiples « fan zones » qui seront installées un peu partout pour suivre les compétitions, le gouvernement souhaite rendre en outre obligatoires les enquêtes administratives sur toute personne y ayant accès sans être spectatrice. Seront notamment concernés, explique l’exposé des motifs du texte, « les membres des délégations qui résideront au village olympique et paralympique, les bénévoles ainsi que les prestataires techniques ».
Dans son avis, la Cnil pointe que cette réforme « conduira à élargir de manière très substantielle le périmètre des personnes concernées par ces dispositions. Cela pourrait en effet représenter environ 50 000 à 60 000 participants pour les seuls Jeux olympiques et paralympiques selon le ministère ». (...)
Or, « des préjudices importants pour les personnes concernées peuvent découler d’un avis ou d’une décision défavorable à la suite de ces consultations », souligne encore la Cnil qui « prend acte de ce que le service en charge des enquêtes doit procéder à des vérifications complémentaires lorsqu’il prend connaissance de données pouvant a priori justifier un avis défavorable ».
Présenté par le gouvernement le 22 décembre, le projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 doit être examiné en première lecture par le Sénat à partir du 24 janvier. Alors que le gouvernement a déclenché, une nouvelle fois, une procédure d’urgence sur ce texte, la Cnil dénonce les délais dans lesquels elle a dû se prononcer. (...)