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Pour parler aux jeunes, le gouvernement mise sur les « influenceurs » des réseaux sociaux
Article mis en ligne le 1er novembre 2020

(...) la communication politique via les influenceurs se banalise. (...)

« La décision est assez maligne en cette période où le gouvernement est très critiqué, observe Alexandre Eyries, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Bourgogne [2]. C’est un moyen de diffuser de manière exponentielle la bonne parole gouvernementale sur les gestes barrière et les pratiques de distanciation sociale, à un moment où le virus continue de se propager, où il y a des couvre-feux, et peut-être même bientôt un reconfinement. »

Selon le chercheur, cet événement survient également à un moment où les jeunes sont beaucoup pointés du doigt, et parfois désignés comme responsables de la seconde vague de l’épidémie. « Le gouvernement va donc prêcher la bonne parole là où les jeunes sont le plus attentifs, c’est-à-dire sur les réseaux sociaux », poursuit-il. Au lieu de faire un live sur Periscope ou Facebook, le gouvernement a choisi Twitch et YouTube, deux plateformes de vidéos très suivies par les jeunes. « Gabriel Attal lui-même est assez jeune [31 ans], on constate la volonté affirmée de montrer que c’est un gouvernement qui maîtrise parfaitement la vulgate de la communication numérique aujourd’hui », estime Alexandre Eyries.

Le débat durera « une heure maximum », selon le cabinet du porte-parole, et sera diffusé en direct. Les commentaires seront ouverts aux internautes. « C’est la quête de la transparence absolue, analyse encore Alexandre Eyries, le fantasme de la démocratie directe que les réseaux sociaux accréditent, l’idée qu’on peut toucher toute la population sans aucun problème et qu’on peut leur faire passer un certain nombre de messages sans intermédiaire. »
« Montrer qu’une ministre qui s’occupe d’écologie n’est pas si éloignée des autres femmes »

Ce n’est pas la première fois depuis le début du quinquennat que le gouvernement utilise les influenceurs pour faire sa communication politique. En février, EnjoyPhoenix (Marie Lopez, de son vrai nom) avait publié sur YouTube une vidéo de 50 minutes, où elle suivait pendant toute une journée Brune Poirson — qui était à l’époque secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire. (...)

« En [passant] une journée au ministère et au gouvernement, je ne suis pas du tout en train de promouvoir un parti politique, défendait Marie Lopez au cours de sa vidéo. Je suis venue parce que j’avais envie de parler d’écologie. » Les deux femmes s’étaient d’ailleurs déjà rencontrées en mars 2019.

« La vidéo d’EnjoyPhoenix avec Brune Poirson est à différencier de ce que le gouvernement a pu faire par ailleurs avec d’autres influenceurs, précisait à l’époque le cabinet de la secrétaire d’État. C’est une collaboration totalement gratuite. Brune Poirson intervient dans la vidéo de Marie Lopez mais sans aucun lien contractuel, et ni le cabinet ni la ministre n’ont eu la main sur la réalisation ou la production. »

Le reportage avait atteint 390.000 vues et dans les commentaires, les internautes étaient très nombreux à remercier EnjoyPhoenix de leur avoir fait découvrir cet aspect de la politique. Selon Alexandre Eyries, travailler avec Marie Lopez, même s’il ne s’agissait pas d’un partenariat rémunéré, était une aubaine pour le gouvernement. (...)

En choisissant [d’être interviewée par] une Youtubeuse et pas une journaliste, il n’y a pas de confrontation, de contradiction possible. (...)

Des influenceurs payés pour promouvoir le SNU, la réforme du bac, Parcoursup... (...)

certains influenceurs ont dépassé le stade de la simple interview politique accordée gratuitement, et ont été rémunérés pour promouvoir l’action du gouvernement (...)

« L’idée est de montrer des influenceurs qui sont des visages de la jeunesse française avec leurs préoccupations respectives, observe l’enseignant-chercheur Alexandre Eyries. Chacun à leur manière relaie des thèmes de campagne et d’exercice du pouvoir du gouvernement. »

En 2018, ce n’était pas le gouvernement qui faisait directement appel à des Youtubeurs, mais l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), pour défendre le projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure (Meuse). (...)

Selon Mathieu Jahnich, les recours aux influenceurs pour la communication vont continuer à se développer, dans les ministères comme ailleurs. (...)