
Des faits, rien que des faits et une question d’Howard Zinn : « Mais que cachent vos faits et la façon dont vous les exposez ? ». Ludivine Bantigny interroge : « Chaque fait ne recèle-t-il pas un jugement ? Son choix même, où la sélection s’opère – sans se dire le plus souvent -, n’est-il pas déjà engagement ? »
L’autrice aborde, entre autres, l’impossible neutralité, « une histoire neutre est impossible », les oublié es de l’histoire, et celles et ceux « mu par un principe d’espérance », le point de vue situé, « Toute élaboration, aussi scientifique qu’elle soit, est toujours située : c’est située qu’elle se déploie », la réflexivité et la vigilance épistémologique, le doute, les « pourquoi faire ? » et « A quoi bon ? »…
« Il faut répondre à cette question. Je le tente à partir d’une expérience singulière, celle d’une réflexion sur le temps, sur l’événement et l’engagement. Je m’y essaie avec ce « je » qui trop souvent hésite et se tait, se cache dans le hors-champ des pages ou les coulisses des livres d’histoire, rideaux fermés ». (...)
Ludivine Bantigny discute du temps de l’histoire, « Le tremblé du temps, sa texture, son incertitude sont troublants », du temps mesuré et calculé du capital, « Le temps mesuré, quantifié, exigeant est davantage celui du capital et du salariat comme rapport social », du singulier qui fige des représentations hétérogènes, de la représentation temporelle « sociale et historiquement située ». (...)
« Je suis révoltée par les proclamations sur la neutralité qui pourtant trahissent à chaque mot les inflexibles normes de la pensée conforme ».
Ludivine Bantigny aborde, entre autres, les émotions « L’intelligence émotionnelle se rattache aux opérations cognitives qui engagent la réflexibilité et, pour finir, font agir » et leurs inscriptions en situation, « toujours codées et toujours situées », le non droit à déserter pour les historien nes, les expériences « du mépris » et les sentiments d’injustice, la production de désirs par le capitalisme « apte à les attiser par la marchandise et à transformer les résignations, dans leur cortège d’affects tristes, en approbation », les affects joyeux et la réappropriation de la politique, la contemporanéité, « l’événement redevenu vivant au travers des figures rencontrées », le spectre de 1968 et les armes fourbies contre toute rébellion politique et sociale, les mots détachés de l’événement, les mots qui « se promènent loin de lui, l’enferment sous leur couvercle »…