
Lors d’une importante conférence internationale sur la réduction des risques de catastrophe organisée au Japon le mois dernier, le ministre népalais des Affaires étrangères, Mahendra Bahadur Pandly, a averti que si un tremblement de terre de grande ampleur devait se produire dans la vallée de Katmandou, un bilan meurtrier « comparable à celui d’Haïti en 2010 » était à craindre.
Bien que l’on puisse espérer que le bilan du tremblement de terre de samedi restera bien en deçà des 100 000 à 160 000 victimes d’Haïti, le Népal est un terrain propice à des séismes particulièrement destructeurs et meurtriers. En voici les raisons :
Géologie et géographie
Le Népal est particulièrement enclin aux tremblements de terre, car il se trouve à la convergence des plaques tectoniques tibétaine et indienne. Ces dernières se rapprochent l’une de l’autre de 2 mètres par siècle, générant une pression que seuls les tremblements de terre permettent de libérer. Les événements sismiques d’une magnitude supérieure à huit surviennent à un intervalle d’environ 80 ans.
Les montagnes accidentées du nord du pays ont rendu très difficile la construction de bons réseaux de transport et de communication. L’essentiel du pays est inaccessible aux voitures et coupé des télécommunications, deux facteurs particulièrement importants en situation de catastrophe. La densité du réseau routier est l’une des plus faibles de la région. D’après la Banque mondiale, plus d’un tiers des personnes vivant dans les collines sont à plus de quatre heures d’une route asphaltée ; sur les 75 districts que compte le pays, 15 ont un chef-lieu n’étant absolument pas desservi par route.
Le manque d’accès s’avère être un obstacle majeur à l’intervention humanitaire actuelle au Népal.
Une urbanisation non planifiée, mal réglementée
Quelque six millions de personnes vivent dans la région touchée par le tremblement de terre de samedi, l’une des plus sismiquement actives au monde. Ce chiffre englobe Katmandou, la capitale densément peuplée du pays qui se développe à un rythme d’environ 6,5 pour cent par an. (...)
Rares sont les nouvelles constructions – dont des écoles, des hôpitaux et des bâtiments publics – à être parasismiques. La plupart des édifices ne satisfont pas aux exigences du Code népalais de la construction de 1994, qui prétendait améliorer la résistance aux événements sismiques. Selon des estimations, 6 000 structures en béton sont érigées à Katmandou chaque année.
« L’urbanisation, lorsqu’elle n’est pas réfléchie en termes de méthodes de construction parasismiques, ne fait qu’accentuer la vulnérabilité », souligne le rapport pays 2012 sur le Népal de l’agence étatsunienne d’aide humanitaire et de gestion des catastrophes.
« La croissance rapide, associée à un manque d’éducation et de sensibilisation aux risques de catastrophe ainsi qu’à une faible capacité de réaction, fait du Népal un pays particulièrement vulnérable », est-il dit dans le rapport.
Au lendemain du tremblement de terre de samedi, 80 pour cent des maisons ont été détruites dans certaines zones du district de Gorkha, bien que le nombre de bâtiments effondrés à Katmandou soit moins important que prévu. (...)
L’année dernière, un cadre de référence gouvernemental, le Plan national d’action pour des bâtiments plus sûrs, a été adopté pour lutter contre ces risques. D’après Gail Marzetti, le responsable du Département britannique de développement international (DfiD) au Népal, le défi est désormais « de traduire ce cadre de référence en un ensemble d’actions mesurables et assorties d’échéances. Alors seulement pourrons-nous transposer les codes de construction sur papier en des résultats concrets le long des rues de toutes les régions en phase d’urbanisation du Népal ».
Obsolescence des politiques de préparation aux catastrophes
Au Népal, le Natural Calamities Relief Act de 1982 reste la réglementation phare en matière de réponse aux catastrophes naturelles. Un projet de loi plus actuel sur la manière dont les interventions devraient être coordonnées a été préparé en 2008, qui n’a toujours pas été débattu - et encore mois adopté – par le Parlement du fait de l’instabilité politique consécutive au conflit avec les rebelles maoïstes (1996-2006). Ce retard est en partie dû à la résistance opposée à l’introduction prévue d’une Autorité nationale de gestion des catastrophes, en cohérence avec les pratiques internationales. (...)
Autre conséquence des querelles politiques de Katmandou, aucune élection locale n’a eu lieu depuis près de vingt ans. Cela signifie que les comités locaux responsables des exercices de simulation de catastrophe sont mutés ou nommés de l’extérieur tous les deux ans : ils manquent de mémoire institutionnelle, et se sentent moins redevables envers la population locale que s’ils avaient été élus.
« Au Népal, les acteurs politiques sont trop occupés à se quereller, dernièrement à propos de la réforme constitutionnelle, pour considérer la préparation aux catastrophes comme une priorité », a écrit Kunda Dixit, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Nepali Times, dans le New York Times.
« Les comités qui gèrent les conseils locaux ne sont pas organisés pour coordonner une assistance d’urgence », a-t-il ajouté.
Faible capacité des services de santé publique
Les dix ans de guerre civile ont gravement affaibli le système de santé publique népalais. (...)
Quelques avancées ont tout de même été enregistrées en matière de gestion des risques de catastrophe au Népal ces dernières années
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