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CNRS
Pourquoi les assistants virtuels ont besoin d’un corps
Article mis en ligne le 1er novembre 2019
dernière modification le 31 octobre 2019

Alexa ou Google Home Assistant ne sont qu’une étape. Parce que la voix ne suffit pas, des scientifiques travaillent à la création d’êtres virtuels capables de communiquer avec des gestes ou les expressions du visage… La tâche est loin d’être aisée, comme nous l’expliquent Justine Cassell et Catherine Pelachaud dans ce billet publié en partenariat avec Libération.

des êtres virtuels possédant un corps et un visage pour mieux faire passer leur message, capables de décrypter notre humeur et de nouer des relations avec nous pour mieux répondre à nos besoins. (...)

Créer de tels êtres demande un long travail de recherche, si l’on veut éviter les « Désolé, je ne vous comprends pas » ou les « Je suis désolé, je ne sais pas comment vous aider avec cela », que nous opposent régulièrement les assistants d’aujourd’hui. La communication est en effet bien plus qu’un échange d’informations. Ce n’est pas une simple série de questions-réponses, comme peut le faire le système d’intelligence artificielle Watson, lancé en 2017 par IBM (le logiciel se propose de répondre en langage naturel aux questions que lui posent ses utilisateurs dans le domaine de la banque ou de la santé, par exemple). (...)

Partout dans le monde, des laboratoires travaillent à la création d’êtres virtuels communicatifs et relationnels, capables de communiquer avec la voix, bien sûr, mais aussi avec des gestes, les expressions du visage et le regard pour indiquer à qui ils s’adressent. Pour y arriver, certains chercheurs se basent sur le travail d’acteur, d’autres font appel à des animateurs professionnels, d’autres – c’est notre cas – cherchent à comprendre le comportement humain dans la communication et dérivent de ces travaux les algorithmes qui seront ensuite implantés dans des êtres virtuels. Car les assistants virtuels créés grâce à l’analyse de l’interaction entre de vraies personnes ont, selon nous, toutes les chances d’être mieux appréciés, mieux compris et plus efficaces dans l’accomplissement de leurs tâches.

Pour concevoir nos êtres virtuels, nous étudions donc le comportement humain de façon rigoureuse. Nous utilisons des vidéos de personnes en conversation (à la télévision, en ligne, ou dans les archives scientifiques), ou nous mettons en scène des humains dans des situations les plus naturelles possible (...)

Une question d’équilibre

Malgré une connaissance toujours plus fine des mécanismes qui sous-tendent la communication humaine, il reste illusoire de prétendre créer dès aujourd’hui un être virtuel qui soit en mesure de répondre à toutes les situations. Il devient en revanche envisageable d’en concevoir qui soient capables d’interagir dans des contextes précis. On peut ainsi imaginer des tuteurs virtuels destinés à l’apprentissage (d’une langue, de l’algèbre...), ou des compagnons virtuels capables d’aider par exemple une personne âgée à adopter les bons réflexes de santé prescrits par ses médecins. (...)

Même pour des applications précises, concevoir un être virtuel reste tout un art ! Mais pas seulement. Car se profilent des questions d’éthique auxquelles les chercheurs, mais aussi la société tout entière, devront répondre prochainement. Jusqu’à quel point a-t-on intérêt à créer un être virtuel capable de nouer des relations et de communiquer de manière totalement naturelle avec des êtres humains ? Ne doit-on pas au contraire leur garder une part d’imperfection, pour éviter que l’humain ne s’y attache trop, ou ne se fasse manipuler par un interlocuteur virtuel devenu trop habile ? (...)

Se pose aussi la question délicate du stockage des données : pour répondre aux attentes de son utilisateur, un être virtuel devra d’abord analyser finement ses émotions, ses humeurs, ses besoins, et stocker ces informations. Qu’en fera l’entreprise qui commercialise l’assistant en question ? Que deviendront ces informations si elles sont piratées ou tombent entre de mauvaises mains ? Le cas récent des enregistrements d’Alexa utilisés à l’insu des utilisateurs par Amazon pour améliorer son service, donne matière à réflexion. ♦