Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Le mexpliqueur
Pourquoi les mecs préfèrent les mecs
Article mis en ligne le 16 septembre 2018
dernière modification le 14 septembre 2018

Connaissez-vous l’homosocialité ? C’est un fléau qui peut toucher nos enfants dès le plus jeune âge. Parfois poussés par un·e camarade, parfois par un·e aîné·e, voire même par les parents ou les enseignant·es, nos enfants sont tentés par l’homosocialité à la maternelle ou avant. Dans les cours de récré, dans les jardins d’enfant, à chaque instant, on inculque à nos innocents chérubins cette doctrine perverse pour souvent les embrigader à vie.

Mais l’homosocialité, c’est quoi d’abord ? C’est un terme sociologique pour décrire la tendance à avoir une préférence pour les personnes du même genre dans les relations non sexuelles. En clair, ça commence avec les garçons qui jouent au foot entre eux dans la cour de l’école pendant que les filles jouent à la marelle, et ça se poursuit avec femmes dans la cuisine pendant que les hommes regardent le foot à la télé.(...)

L’homosocialité, ça fait partie de tout un système qui fait qu’on commence par trouver normal d’être entre garçons dans la cour d’école et qu’on continue sans se poser de question à rester entre hommes dans les conseils d’administration ou les gouvernements. Parce que oui, les inventeurs de la non mixité, c’est nous, les hommes. Et on la pratique encore très largement.(...)

Alors que j’envoyais des baisers à B dans la cour de récréation, une institutrice débarqua en trombe pour m’expliquer que les garçons ça tombe amoureux des filles et vice-versa et que c’était très mal ce que j’étais en train de faire. Mon engagement précoce pour le mariage pour tous s’arrêta donc là, sous Mitterand, dans le silence et la honte.

Je suis le résultat d’une expérience coercitive destinée à m’enseigner une théorie du genre. Et vous aussi. Si je suis aujourd’hui le dégénéré que vous avez devant vous, c’est la faute à la société.

Il m’aura fallut quelques années pour cesser de refouler cet épisode qui m’embarrassait beaucoup et pour comprendre tout ce qui s’était joué alors dans mon apprentissage du genre et de la sexualité. Entre 0 et 6 ans on apprend qu’il y a deux catégories super importantes et qu’elles ont des limites strictes. Oui tu dois chercher la compagnie des hommes, mon fils, mais pas comme ça.(...)

L’homosocialité va souvent de paire avec l’hétérosexualité. Un jour un mec gay m’a dit “il n’y a rien de plus pédé qu’un hétéro”. C’est vrai que tous ces mecs qui passent leur temps entre eux, quand même, c’est un peu pédé, non ? Ne vous inquiétez pas, ils ont remarqué. C’est ce qu’explique Eve Sedgwick dans “Between Men” : l’homosocialité et l’homosexualité existent selon elle sur un continuum. Chez les hommes, on est homosocial parce qu’on vit dans une société misogyne et que le masculin et le viril sont valorisés au détriment du féminin. Si les hommes sont les êtres supérieurs, quoi de plus naturel que de chercher leur compagnie ?

Quand on passe son temps avec des hommes, nos affections et rivalités, nos hiérarchies et nos jalousies sont ce qu’il y a de plus important. Se prouver à soi et aux autres hommes qu’on a notre place dans cette société masculine prime sur tout. (...)

on se trompe souvent en pensant que les hommes font ce qu’ils font pour impressionner les femmes. Même quand on croit faire les choses pour séduire, bien souvent ce qui est en jeu c’est notre place dans le grand concours de bite qu’est notre vie.

Il y a évidemment une tension sous-jacente dans cette impitoyable fête à la saucisse. Fréquenter les hommes, admirer les hommes, glorifier leurs corps musclés dans l’effort sportif est tout à fait acceptable et normal. Vouloir le toucher est prohibé. Il faut absolument dresser un mur entre nous et la suite logique de nos affections. Parce que, pour faire court, l’homosexuel est le pénétré, donc le féminin, donc l’inférieur.(...)

plus je fréquente les hommes, plus j’aime les hommes, plus je dois crier haut et fort que je ne suis pas un pédé, que je ne suis pas une meuf.

Dans le même temps on utilise les femmes comme des pions sur un jeu d’échec pour établir une hiérarchie entre nous. (...)

L’homosocialité masculine est donc un cercle vicieux où plus on est viril, plus on glorifie le masculin, plus on doit être misogyne et homophobe pour dissiper la tension inhérente à l’injonction à l’hétérosexualité dans une société qui hait les femmes.

On apprend à haïr les femmes mais on est obligés de les aimer. On apprend à aimer les hommes mais il est interdit de les désirer. Débrouillez-vous pour faire marcher ce système violemment déglingué.(...)

L’homosocialité est à la fois une conséquence du système de domination genré et une des causes qui contribuent à son renforcement. Ce n’est pas en rendant les écoles mixtes qu’on est parvenu à une utopie féministe et on n’y arrivera pas non plus si je demande à chacun de mes lecteurs de se faire deux nouvelles amies. Il ne peut pas y avoir de solution individuelle quand on s’attaque à un système, et il n’y a souvent pas non plus un bon bout par lequel commencer. Mais je suis sûr qu’ensemble on peut vaincre l’homosocialité.