
Lors de son premier meeting parisien, le candidat insoumis à la présidentielle s’est posé comme le pôle de résistance à la droite et à l’extrême droite. Il a aussi montré sa capacité de rassemblement en s’affichant aux côtés de nombreuses personnalités de gauche.
Le poing levé, Jean-Luc Mélenchon traverse une foule toute frémissante de drapeaux français et insoumis. Pour ce premier meeting national organisé à La Défense, au lendemain des résultats de la primaire de la droite, et alors qu’au même moment Éric Zemmour se paie le parc des expositions Villepinte (Seine-Saint-Denis), l’événement n’a qu’un seul objectif : occuper le terrain. « Nous avons besoin de faire une démonstration de force, et d’abord à nous-mêmes », lance le candidat à la présidentielle dans une salle située sous la Grande Arche, où 3 000 personnes – et 1 500 à 2 000 en dehors, selon l’équipe d’organisation – se sont réunies.
Derrière son pupitre, Jean-Luc Mélenchon veut incarner davantage que le candidat de l’insoumission. Il faut que « le pays se ressaisisse et prenne courage en lui-même », car la France « n’est pas l’extrême droite, mais la Sécurité sociale, la santé publique, l’école, la recherche, le partage », dit-il, se posant en boussole des angoissé·es de l’extrême-droitisation ambiante et des égaré·es d’une gauche morcelée. (...)
Avec un humour mordant, le voilà qui rhabille Valérie Pécresse en « deux tiers Macron, un tiers Zemmour », qualifiant son programme de « festival réactionnaire » et rappelant son bilan de ministre sous Sarkozy (la loi LRU) et de présidente de la région Île-de-France (la « division par deux » des prestations sociales). (...)
Quant à Éric Zemmour, qu’il a déjà affronté sur le plateau de BFMTV, non sans s’attirer quelques vives critiques, avant même qu’il ne soit officiellement déclaré, il lui oppose ce pays d’amateurs et amatrices de couscous, de pizzas et de rap. Bref, sa « créolisation » qui est « l’avenir de l’humanité ». (...)
« Nous on dit, “on est là, on est toujours là, et on sera encore là !” », martèle Jean-Luc Mélenchon, ajoutant que sa stratégie de « l’union populaire », c’est « l’union à la base puisque c’est impossible d’avoir l’unité au sommet ».
Une capacité de rassemblement toujours opérante
Car la « démonstration de force » du jour s’adresse aussi au reste de la gauche. Alors que la candidature de la socialiste Anne Hidalgo patine, que celle de Yannick Jadot, qui fera, le week-end prochain, son premier discours de campagne dans un modeste gymnase à Laon (Aisne), est aux prises avec les récentes accusations de viol et d’agressions sexuelles visant Nicolas Hulot et que, lors de son récent tour de France, Fabien Roussel s’est cantonné à quelques meetings mini-format avec des militants communistes, il s’agit de montrer que Jean-Luc Mélenchon est, une fois encore, le mieux armé à gauche.
Et surtout, qu’il « n’est pas seul », comme l’a répété à plusieurs reprises Manon Aubry lors du meeting. Autrement dit, qu’il n’a perdu ni sa capacité d’entraînement, ni sa capacité de rassemblement, en dépit des changements de pied stratégiques, des sorties intempestives et de la désastreuse séquence des perquisitions qui ont davantage conduit à étioler l’électorat qu’à agréger autour du député de Marseille.
D’où le lancement en grande pompe, ce même dimanche, du « parlement de l’Union populaire », un nouvel organe dont la naissance est qualifiée d’« historique » par le député Éric Coquerel, destiné à accueillir des soutiens venus de tous les horizons volontaires pour soutenir la candidature de l’Insoumis.
Au vu des 200 soutiens qui, recrutés par cooptation au sein des réseaux des uns et des autres, ont rejoint l’attelage, le pari est, pour l’heure, réussi. On y trouve ainsi, pêle-mêle, Aurélie Trouvé, ex-présidente d’Attac, ainsi que la fondatrice de l’association altermondialiste Susan George, l’écrivaine Annie Ernaux, l’intellectuelle et ancienne épouse du poète théoricien de la « créolisation » Sylvie Glissant, la philosophe Barbara Stiegler, les économistes Cédric Durand et Stefano Palombarini, le père des « Guignols de l’info » Bruno Gaccio, le guitariste Yvan Le Bolloch, l’ex-syndicaliste des « Contis » Xavier Mathieu, l’inspecteur du travail Anthony Smith, le journaliste du Monde diplomatique Ignacio Ramonet, la militante associative de Saint-Denis Diangou Traoré, et même l’historien Jean-Marc Schiappa, père de la ministre déléguée chargée de la citoyenneté… (...)
À noter quelques belles « prises de guerre » politiques, au premier rang desquelles Thomas Portes, ancien porte-parole de l’écologiste Sandrine Rousseau, Huguette Bello, la toute nouvelle présidente du conseil régional de La Réunion (venue soutenir Jean-Luc Mélenchon à la rentrée politique des Insoumis, cet été), et surtout le maire communiste de Stains (Seine-Saint-Denis), Azzedine Taïbi, qui ne fera donc pas campagne pour le candidat du parti, Fabien Roussel… (...)
Garder tout ce petit monde uni, jusqu’au bout de la campagne présidentielle et législative : un pari qui n’est pas sans risque pour La France insoumise, où la question de la démocratie interne a été largement critiquée ces dernières années. En attendant, autant capitaliser sur ce premier succès : « Ce n’est pas le nombre qui fait la justesse d’une cause, mais la justesse d’une cause qui finit par faire le nombre, a lancé Jean-Luc Mélenchon sur l’estrade. Alors faites l’union à la base. Assez de jérémiades, assez d’hésitations, de pleurnicheries. Au combat ! »