
La première semaine d’audience s’est concentrée sur les responsabilités des membres du cabinet de la présidence Sarkozy dans la signature, sans respecter les procédures de marchés publics, de contrats avec les sociétés de Patrick Buisson et Pierre Giacometti.
« On en revient au cœur du problème : quel était le droit applicable à l’époque, avant que nous engagions des réformes, à la présidence de la République ? » D’une phrase prononcée de son ton professoral à la barre de la 32e chambre correctionnelle de Paris, Claude Guéant a résumé les premières journées d’audience au procès de l’affaire des sondages de l’Elysée.
L’ancien secrétaire général de Nicolas Sarkozy, l’ex-directrice de cabinet Emmanuelle Mignon et le conseiller « sondages » de l’époque, Julien Vaulpré, sont poursuivis pour avoir passé, sans appel d’offres ni mise en concurrence, des contrats avec la société Publifact du conseiller de l’ombre Patrick Buisson et celle de l’ancien directeur général de l’institut Ipsos Pierre Giacometti – également prévenus – pour la fourniture de sondages et de conseils d’opinion. La défense de l’équipe qui entourait M. Sarkozy à l’Elysée tient en deux points : d’une part, la possibilité pour un chef de l’Etat de choisir les prestataires qui le conseillent ; et, d’autre part, l’absence totale, à l’époque, de cadre concernant les marchés passés par l’Elysée. (...)
Mercredi 20 octobre, Emmanuelle Mignon a longuement évoqué sa « stupéfaction » lorsqu’elle découvre, au hasard de l’organisation du Noël de l’Elysée, que « la présidence n’applique pas le code des marchés publics depuis cinquante ans ». La « note Boissonis », une circulaire non datée, signée d’un responsable comptable qui servait sous le mandat du général de Gaulle (1959-1969), est le seul document juridique qu’on lui présente en guise de référence. Produit à l’audience, ce court texte tapé à la machine évoque, en toutes lettres, le « mode extrêmement souple » avec lequel doivent être gérés les moyens accordés à la présidence, « en quelque sorte les héritiers directs de la cassette royale ». Un compte est ouvert au Trésor au nom de l’Elysée, qui peut en user à sa guise. « On a l’impression d’un édit du roi », note le président Benjamin Blanchet, qui s’amuse d’un autre paragraphe de la même note où il est précisé que la cave présidentielle « est la propriété personnelle du chef de l’Etat », qui peut en disposer librement à la fin de son mandat.
Document succinct
Selon son récit, Mme Mignon se lance, fin 2007, dans le « chantier » consistant à faire appliquer le code des marchés publics aux services de la présidence. Non sans « résistance » de la part des services, paniqués à l’idée de devoir désormais se soumettre aux procédures d’appels d’offres. C’est elle qui accepte que la Cour des comptes procède à un contrôle de gestion des dépenses présidentielles. En 2009, l’institution de la rue Cambon pointe, dans un rapport, les irrégularités des contrats sur les sondages, ce qui sera le point de départ de toute l’affaire. (...)