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Projets miniers illégaux et vol avec effraction par les arbitres de la Banque mondiale
Article mis en ligne le 12 décembre 2019
dernière modification le 11 décembre 2019

Les fonds spéculatifs [1] et les juristes de Wall Street ont transformé une obscure clause des traités internationaux en machine à faire de l’argent, aux dépens des pays les plus pauvres de la planète. La dernière extorsion, d’un montant de 5,9 milliards de dollars [2], a eu pour victime le gouvernement pakistanais, et profité à deux grandes compagnies minières, la Chilienne Antofagasta PLC et la Canadienne Barrick Gold Corporation.

Voici les faits.

En 1993, une société anonyme minière, BHP, conclut un accord de coentreprise avec l’Autorité de développement du Baloutchistan (Balochistan Development Authority – BDA), société publique de la province pakistanaise pauvre du Baloutchistan. La coentreprise avait pour objet la prospection d’or et de cuivre et, dans l’éventualité d’une découverte, l’obtention d’un permis d’exploitation minière. BHP ne croyait guère en la rentabilité du projet et traîna les pieds lors de l’exploration. Au début des années 2000, elle céda les droits d’exploration à une société australienne, qui créa la Tethyan Copper Company (TCC) à cette fin.

En 2006, Antofagasta acquit la TCC pour 167 millions de dollars, et en revendit la moitié à Barrick Gold. Peu de temps après l’acquisition pourtant, l’accord original de coentreprise avec BHP était dénoncé devant la justice pakistanaise. En 2013, la Cour suprême du Pakistan jugeait que les termes de la coentreprise violaient à plusieurs titres le droit minier et le droit des contrats pakistanais et déclarait l’accord – par conséquent les droits revendiqués par la TCC – nul et de nul effet [3].

En l’espèce, la Cour a jugé que la BDA n’était pas habilité à contraindre le Baloutchistan aux termes de l’accord de coentreprise, qu’elle avait adjugé un marché public au mépris des règles de concurrence et de transparence, qu’elle avait largement outrepassé ses prérogatives et violé la loi en promettant des dérogations excessives aux règles que les opérations minières sont normalement tenues de respecter. (...)

La Cour suprême a rendu son arrêt après des années que l’accord a fait l’objet d’un recours en nom collectif pour violation du droit national et des droits des gens. Dans l’intervalle, le président de la BDA, vivant de notoriété publique au-dessus des moyens que lui permettaient son salaire officiel, était reconnu coupable de conflits d’intérêts, ce qui équivalait, dans les termes de la Cour à une charge de corruption.

Dans un monde normal, le jugement de la Cour eût été respecté en l’absence de preuves de pressions ou d’autres malversations opposables aux juges. Mais dans le monde où nous vivons aujourd’hui, le soi-disant état de droit international permet à de riches sociétés d’exploiter des pays pauvres en toute impunité et au mépris du droit et de la justice de ces pays. (...)