(...) On croit d’ordinaire que l’activité de fabrication peut être pensée en termes de projets. Faire quelque chose, dira-t-on, implique d’abord d’avoir une idée en tête de ce que l’on veut réaliser, puis de se procurer les matières premières nécessaires à cette réalisation. Et le travail s’achève lorsque les matières ont pris la forme qu’on voulait leur donner. Nous disons alors que nous avons produit un artefact. Un morceau de pierre devient une hache, un tas d’argile un pot, du métal fondu une épée.
Tim Ingold entend penser le faire comme un processus de croissance, par lequel l’agent est situé d’emblée au milieu des matières actives (et non pas inertes ou passives, attendant de recevoir une forme de l’extérieur). Faire consiste à unir des forces, à composer des forces différentes, à ajouter sa propre force aux forces et aux énergies déjà en jeu. Lorsqu’un fabricant, quel qu’il soit, crée une œuvre, il n’a pas d’abord une forme (ou un projet) présent à l’esprit qu’il imposerait ensuite à la matière : l’œuvre résulte bien plutôt de l’engagement du fabricant avec la matière elle-même (...)