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Quand Patrick Cohen calomniait une invitée de la matinale de France Inter
Sabrina Ali Benali La révolte d’une interne © le cherche midi, 2018.
Article mis en ligne le 6 août 2019
dernière modification le 4 août 2019

Nous publions ci-dessous, sous forme de tribune [1], un extrait du livre de Sabrina Ali Benali, médecin et auteure de La révolte d’une interne. Ce texte revient sur les suites de son passage à la matinale de France Inter, alors animée par Patrick Cohen. Interne de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), elle était invitée pour témoigner sur le manque de moyen et l’épuisement des personnels de l’institution, suite au succès viral d’une vidéo où elle interpellait la ministre de la Santé. Mais le lendemain de cette interview, suite à l’intervention du directeur de l’AP-HP, Sabrina Ali Benali va être mise en cause de manière mensongère par l’animateur de la matinale. Un épisode qui témoigne de la mauvaise foi et de l’impunité de certains médiacrates... (Acrimed)

(...) J’éprouve un profond sentiment de trahison. Un coup de poignard dans le dos, gratuit, mensonger et tellement injuste. Je suis dévastée. Mettre toute mon énergie à défendre simplement les personnels soignants et les patients, pour finir par être calomniée… Je me bats pour que tous les citoyens, des gens comme lui ou ses proches, ne passent pas quarante-huit heures sur un brancard. Il me dégoûte.

Je passe à nouveau la bande et ne comprends pas. Ce n’est qu’un tissu de mensonges. Primo, je suis bien salariée de l’AP-HP puisque je reçois mes fiches de paie de sa part. Ils le savent puisque je les leur ai envoyées la veille. Deuzio, pas d’urgences dans l’hôpital où je travaille ? Aurais-je depuis trois mois des hallucinations sur le service dans lequel j’officie ? Bien sûr que je suis aux urgences. Du moins, c’est écrit à l’entrée du service et sur mon badge. Tertio, mon hôpital n’est pas dans le 12e arrondissement de Paris mais dans le 20e. Et enfin, d’où provient cet extrait où je me présente comme interne de l’AP-HP ? Je regarde une nouvelle fois ma vidéo « du buzz ». Je n’y prononce jamais les mots d’AP-HP. Je visionne également le replay de mon interview de la veille sur leur antenne. Rien non plus. Soudain, cela me revient et je comprends. Il s’agit de la phrase d’introduction de ma toute première vidéo d’octobre 2016. À l’époque, étant au sein même d’un hôpital de l’AP-HP, je m’étais évidemment présentée comme telle. Ils ont ainsi procédé à un montage sur mon ancienne vidéo, sans le préciser, pour passer à l’antenne cette phrase isolée afin d’abonder leur propos. Je suis autant énervée qu’effrayée par ces procédés abjects, a fortiori pour une grande radio de service public. (...)

J’imaginais les millions d’auditeurs de cette émission me prendre maintenant pour une menteuse. D’ailleurs, les premiers médias mainstream s’en donnaient déjà à cœur joie : « La fausse interne qui a piégé France Inter », etc. (...)

Avec l’accord de mes supérieurs, je répondais au flot d’appels. Par chance, comme un coup de pouce du destin, le rythme, ce jour-là, était relativement calme aux urgences. À croire que les patients voulaient me laisser le temps de me défendre. J’expliquais tout aux journalistes. Eux-mêmes estimaient que cette histoire était innommable et ne faisait pas honneur à leur profession.

Plusieurs journaux n’ont pas tardé à rétablir la vérité, parmi lesquels Libération, Le Monde, Mediapart, Le Huffington Post, qui a publié ma lettre de réponse à Patrick Cohen. (...)

Mais la divulgation, par la radio, d’une antenne de la structure dans laquelle j’exerçais a eu inévitablement des conséquences en interne. Une preuve supplémentaire de l’irresponsabilité de ces « journalistes » qui ne se soucient pas plus du respect que du devoir de réserve, et qui n’ont que faire des répercussions de leurs révélations sur les personnels, les patients concernés et leurs familles