
Invité à s’exprimer dans le cadre des entretiens du livre blanc du travail social, le sociologue Bertrand Ravon (professeur des universités, Lyon2) nous a parlé des défis à relever pour le travail social en fonction des épreuves que subissent les professionnels de l’aide.
Dès le début de son intervention, il nous alerte. Il y a deux types de travailleurs sociaux : ceux qui sont « démontés », ils ne parlent plus et s’en vont à bas bruit. Après avoir subi un arrêt de travail, ils ne veulent plus entendre parler de leur métier et en sont en quelque sorte « dégoutés » ou du moins désabusés. Puis, il y a ceux que l’on entend, car ils sont « remontés ». Ils parlent fort pour exprimer une plainte. Les travailleurs sociaux ne vont pas bien, c’est le moins que l’on puisse dire. L’auteur cite Yves Clot qui dit que « Quand le métier ne parle plus, il n’est pas rare que le professionnel en fasse une maladie ».
Son exposé, très clair nous invite à réfléchir sur ce que l’on nomme désormais la crise d’attractivité des métiers. Le sociologue qui connait bien le travail social, ne se contente pas de dire ce qui selon lui ne va pas. Il nous fait une série de propositions pour renouer avec les pratiques de métier tout en s’appuyant sur ce qui vient d’en bas…
Mais comment en est-on arrivé là ?
Bertrand Ravon nous explique qu’il y a désormais une disjonction entre le travail social prescrit et le travail social réel. Elle provoque une perte du sens de l’action qui est une atteinte à l’autonomie professionnelle. Le « travail bien fait » est devenu invisible, car le travail non prescrit continue d’être une réalité est niée par les employeurs et le management. L’engagement personnel du travailleur social auprès des publics concernés n’est pas valorisé. Il pourrait même être considéré comme suspect. (...)
« Comment tenir » ? C’est la question qui se pose dans un tel contexte. Comment, dans un monde fragile et incertain, est-il possible de continuer à agir pour rendre les choses supportables ? (...)