
Pour répartir les 130.000 euros de leur réserve parlementaire, des députés et sénateurs font appel à des citoyens de leur circonscription. Ce mode de fonctionnement transparent est au programme de plusieurs candidats aux législatives.
François Ruffin, candidat dans la Somme, en a fait l’un des points principaux de son programme pour les législatives. Tout comme Julien Bayou, le porte-parole d’EELV, qui se présente dans la 5e circonscription de Paris, Caroline de Haas, ou de nombreux candidats se revendiquant « citoyens ». De plus en plus de candidats se prononcent pour la mise en place de « jury citoyens » dédiés à la distribution de la réserve parlementaire, peu connue du grand public. Il faut dire que cette enveloppe de 130.000 euros attribuée à chaque député et sénateur — près de 82 millions d’euros au total — est souvent critiquée pour son opacité.
Même si la loi a évolué — depuis 2013, les parlementaires doivent rendre publics les destinataires de leurs subventions —, la distribution de l’enveloppe se fait à la discrétion de l’élu, qui n’a de comptes à rendre à personne. Elle encourage donc un certain clientélisme envers les villes et les associations qui pourraient en bénéficier. (...)
« Les profils restent divers en matière de catégories sociales »
Concrètement, les mairies ont trois mois pour envoyer leur projet au jury. « Le critère général, c’est le développement durable. C’est large : il peut s’agir de financer des panneaux solaires, un jardin familial, un café culturel », explique Ronan Dantec. En septembre, le jury se réunit pour statuer sur les projets retenus et les sommes à distribuer. « Au départ, je n’étais pas sûr que ça marche : on pouvait craindre que les maires ne s’astreignent pas à remplir un dossier alors qu’il paraît plus simple de demander, lors d’un cocktail, un coup de main au parlementaire du coin. Mais ils sont globalement contents, ça les sécurise de ne pas avoir à quémander quelque chose ou d’être inféodés à un élu. Et notre système a créé une émulation et a stimulé des projets innovants », se félicite le sénateur.
« Ce système tire vers le haut certaines communes », soutient Isabelle Attard, députée de la 5e circonscription du Calvados, qui confie, elle aussi, la gestion de son enveloppe à un jury citoyen. (...)
« Avec un recul de quatre ans, je peux dire que ça fonctionne », se réjouit Isabelle Attard. Tellement qu’elle se demande s’il ne faudrait pas aller plus loin. (...)
Comment ? En tirant au sort le jury parmi tous les inscrits sur les listes électorales et pas seulement parmi des personnes volontaires. Jacqueline Fraysse, députée PC de la 4e circonscription des Hauts-de-Seine, le fait déjà en faisant émerger 180 noms de sa circonscription, qui comprend Nanterre et Suresnes. Elle envoie ensuite à chacun un courrier expliquant sa démarche et les invitant à participer au jury citoyen. On constate déjà que tout le monde n’est pas prêt à fournir les « efforts » évoqués quelques lignes plus haut. (...)
Au-delà de la répartition de l’enveloppe parlementaire, l’exercice permet aux citoyens de se familiariser avec le fonctionnement de l’Assemblée nationale et la réalité de la gestion de l’argent public. « Du point de vue de la participation citoyenne, de la transparence, de la connaissance des acteurs de leur ville, c’est quelque chose d’extrêmement intéressant dont les gens gardent un excellent souvenir », dit la députée. Si elle n’aura pas l’occasion de poursuivre son expérience — elle ne se représente pas aux prochaines législatives —, elle est « disposée à souffler l’idée » à son successeur ou à sa successeure.
Mais celui ou celle-ci en aura-t-elle seulement l’occasion ? La question se pose souvent d’une suppression pure et simple de la réserve parlementaire, qui relève d’ailleurs d’une coutume de l’Assemblée nationale et n’est donc même pas codifiée par la loi. Isabelle Attard, Ronan Dantec et Jacqueline Fraysse y sont tous trois favorables. (...)