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IRIN
Quand les humanitaires frayent avec les princes et les banquiers - au Forum économique mondial
Article mis en ligne le 29 mai 2017

À vol d’oiseau, 340 kilomètres séparent le camp informel de Rukban, une zone désertique où 80 000 Syriens sont actuellement bloqués en attendant de pouvoir entrer en Jordanie, et les hôtels de la côte jordanienne de la mer Morte où s’est réunie l’élite de la région le week-end dernier à l’occasion du Forum économique mondial sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Le camp de Zaatari, où vivent 80 000 autres réfugiés, n’est qu’à 100 kilomètres de là.

Depuis l’intérieur des salles de conférence où l’on dégustait des petits fours, cela semblait beaucoup plus lointain, même si les questions humanitaires — y compris le sort des réfugiés — figurent désormais à l’ordre du jour officiel du forum au même titre que les sujets plus traditionnels comme la croissance économique. Les directeurs des grandes ONG et les responsables des agences des Nations Unies se sont ainsi mêlés aux monarques, aux banquiers et aux politiques réunis sur la côte de la mer Morte.

En dépit des critiques externes et du malaise éprouvé par certains d’entre eux, les humanitaires sont de plus en plus nombreux à collaborer avec le Forum économique mondial (FEM). Plusieurs considèrent en effet qu’un espace de discussion comme celui-ci peut jouer un rôle crucial dans la résolution des crises complexes qui ébranlent aujourd’hui le monde.

Malaise au sommet

La présence des humanitaires au sommet de Davos — l’événement phare du FEM — et leur participation au forum en général ne sont pas passées inaperçues. Cette année, IRIN a été critiqué à moitié en blague par l’un de ses propres chroniqueurs, rien de moins, pour sa participation à la réunion de Davos. Et peu après que Peter Maurer, le président du Comité international de la Croix-Rouge, a rejoint le conseil d’administration de la Fondation du FEM, en 2014, l’un de ses prédécesseurs au CICR lui a demandé s’il croyait qu’il était approprié qu’il siège au conseil d’une organisation qui compte des fabricants d’armes parmi ses membres. M. Maurer devrait-il occuper les deux postes simultanément ? Cela ne risque-t-il pas de compromettre la neutralité du CICR ?

« Il est extrêmement important de s’adresser à toutes les parties prenantes des conflits », a répondu M. Maurer lors d’un événement organisé en 2015 à Genève. « Les raisons de collaborer avec le secteur privé et d’utiliser une tribune qui réunit les acteurs du secteur privé ne manquent pas […] De la même façon que nous parlons à toutes les parties à un conflit, nous devrions discuter avec les parties prenantes dont les agissements pourraient alimenter le conflit ou qui pourraient être capables de le désamorcer. »

Si certains dirigeants d’organisations humanitaires ont confié à IRIN qu’ils ressentaient un certain malaise au moment d’enfiler un costume pour côtoyer certains des individus les plus riches du monde, la plupart se sont cependant fermement rangés derrière M. Maurer. D’après eux, il est important que les humanitaires puissent participer aux discussions pour faire avancer les choses. (...)

Alors que le fossé entre les ressources nécessaires et l’argent disponible pour répondre aux crises humanitaires se creuse, on peut également considérer que la présence d’humanitaires aux événements du FEM s’inscrit dans un effort plus large de l’ensemble du secteur pour cesser de travailler de façon isolée et commencer à collaborer plus étroitement avec ceux qui peuvent les aider, qu’il s’agisse d’acteurs du développement ou du secteur privé. (...)

Les partenariats public-privé sont aujourd’hui très populaires dans les secteurs de l’aide humanitaire et du développement. Dans ce contexte, M. Haghamed croit que les ONG devraient accepter le fait que les entreprises privées jouent déjà un rôle important en termes d’infrastructures et de services de données et qu’elles sont indispensables pour la fourniture des aides en espèces. Dans certains cas, elles agissent déjà comme sous-traitants pour des bailleurs de fonds importants comme le Département britannique pour le développement international (DIFD) et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). (...)

Les solutions abordées et développées à l’occasion des réunions au sommet (y compris dans le cadre du FEM) entraînent de réels changements sur le terrain : il suffit de penser aux scans oculaires mis en place pour permettre aux réfugiés de se procurer des vivres, par exemple. Mais il est aussi vrai que les réunions autour de petits fours n’ont pas encore permis de résoudre les grands problèmes d’aujourd’hui comme la crise des réfugiés et les famines imminentes. (...)