
Un article du Parisien publié jeudi 18 mai a défrayé la chronique dans le débat public. Il y décrit un quotidien insupportable pour les femmes fait de harcèlement, d’agressions verbales et physiques dans le quartier très populaire de Chapelle-Pajol du XVIIIème arrondissement de Paris. Pourtant, le problème n’est pas nouveau. Alors pourquoi cette polémique a-t-elle émergé à trois semaines des élections législatives et que cache-t-elle ?
Le Bondy Blog a mené l’enquête.
(...) Cécile Beaulieu est chargée du secteur du XVIIIe arrondissement de Paris. En regardant de plus près ses publications de ces douze derniers mois, les migrants, l’insécurité, les trafics sont visiblement des obsessions. Les témoignages sont presque tout le temps anonymes, le ton anxiogène. Autre constat : alors que la mairie du XVIIIe compte 9 conseillers d’opposition, la journaliste interroge quasiment toujours le même : Pierre Liscia, élu Les Républicains. Il est aujourd’hui suppléant de Babette de Rozières, candidate LR-UDI pour les législative de juin 2017, dans la 17ème circonscription, connue pour ses émissions culinaires à la télévision.
Le titre initial du papier en ligne était le suivant : “Harcèlement : les femmes chassées des rues dans le quartier Chapelle-Pajol”. Sans aucune prudence, il fait de la situation décrite une généralité et parle de “chasse“. Il a été modifié vendredi 19 mai à 7h21 avec ce titre “Paris : des femmes victimes de harcèlement dans les rues du quartier Chapelle-Pajol”. “Les femmes” sont devenues donc “des femmes”, et le verbe “chasser” a disparu. Nous avons pris contact avec la journaliste qui nous a répondu “ne pas être au courant” de ce changement de titre. (...)
D’autres éléments de la publication du Parisien nous ont interpellés. Tous les témoignages des femmes sont anonymes. La journaliste nous explique que les témoins souhaitaient garder l’anonymat par “peur car ils sont confrontés tous les jours à cet environnement”. Pourtant, Nathalie, cité dans son papier, a pris la parole à découvert et avec son identité devant la caméra de La Nouvelle Edition diffusée sur C8 lundi 22 mai. Il s’agit de Nathalie Fourmont, membre de l’association SOS La Chapelle à l’origine de la pétition mais à aucun moment, cette information n’est indiquée dans l’article.
Jamais la journaliste ne mentionne non plus dans son article les noms des deux associations “SOS La Chapelle” et “Demain La Chapelle” alors qu’elles sont les initiatrices de la pétition. Dans un entrefilet, la journaliste relaie bien cette initiative, en citant d’ailleurs quelques extraits de la pétition mais sans jamais dire qui en est à l’origine. Le lien de la pétition n’est pas non plus relayé ni sur la version web ni sur la version papier. Et pour cause : jeudi soir lorsque le papier a été publié, la pétition n’était pas encore mise en ligne. Elle le sera le lendemain matin. “Il s’agissait d’une pétition d’habitantes, pas d’associations“, nous répond étrangement Cécile Beaulieu. Pourtant, la pétition est bien menée par les deux associations et tous les médias depuis vendredi 18 mai la relaient comme telle. (...)
Pierre Liscia, conseiller municipal à la mairie du XVIIIème arrondissement et suppléant LR aux législatives de juin 2017, est, selon nos informations, chargé de mission communication web et animation des réseaux sociaux auprès de Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France. Une information qui n’est pas rendue publique, ni par l’intéressé ni par l’administration du conseil régional. Vous comprendrez dans quelques lignes l’importance de cette information.
“Fin avril, Jean-Michel Almeida, vice-président de l’association SOS La Chapelle, avec qui je suis très en contact et qui me rendait compte des réunions qu’il avait avec le maire et le préfet, m’a demandé un contact au Parisien parce qu’il trouvait que Cécile Beaulieu ne parlait jamais de SOS La Chapelle. Il m’a fait part d’un nombre en hausse de femmes du quartier harcelées et effrayées de sortir de chez elle“, nous affirme Pierre Liscia.
Le 3 mai, le candidat suppléant Les Républicains, Pierre Liscia, contacte alors à ce sujet la journaliste du Parisien, Cécile Beaulieu, “avec qui [il] est en contact régulier” et à qui “[il] donne souvent des infos”. Le candidat suppléant lui envoie un SMS. Nous avons pris connaissance du message. Le voici : “Je me permets de te faire part de nouveaux éléments concernant la situation à la Chapelle qui devient critique. Depuis plusieurs semaines, de plus en plus de femmes seules se font insulter et attoucher sexuellement par des vendeurs à la sauvette. Tout le monde, dans le quartier, est désespéré et redoute la période du Ramadan car les insultes et menaces pleuvent à l’encontre des femmes d’origine musulmane. C’est vraiment préoccupant, je suis très inquiet”. Nous avions contacté la journaliste du Parisien avant de nous entretenir avec Pierre Liscia. Elle nous a assuré alors que c’est un “riverain” qui l’a informée de la situation. Nous avons depuis essayé de la joindre à nouveau, à plusieurs reprises, sans succès.
Nous avons joint également Jean-Michel Almeida pour en savoir plus. Il n’a malheureusement pas souhaité répondre à nos questions.
Même chose pour d’autres membres de SOS La Chapelle dont le président Philippe Girault et Nathalie Fourmont. Des entretiens téléphoniques avaient été calés mais ont été annulés à la dernière minute. Leur page Facebook a mystérieusement disparu depuis mercredi.
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