
Convaincue que le destin n’est pas une fatalité, Laurence Hansen-Løve considère qu’il est temps de changer de modèle philosophique pour changer le monde.
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La philosophie est semblable à un champ de bataille où des positions inconciliables s’affrontent. Le philosophe Emmanuel Kant les nomme « antinomies de la raison », car elles naissent au cœur de la raison. Car défendre une thèse n’implique pas seulement de mettre à l’épreuve son habileté oratoire ; inversement, adhérer à une thèse ne consiste pas à épouser naïvement une opinion. Le débat, la confrontation rationnelle des idées est un besoin social vital. Dès lors, le philosophe doit se faire critique. (...)
Planète en ébullition cherche à comprendre la révolution climatique et ses conséquences politiques et morales. Pour cela, Laurence Hansen-Løve appelle à la barre philosophes, chercheurs, journalistes... mais aussi le temps et l’espace. Son intention est de fonder en droit la nécessité d’une révolution juridique et politique qui se tienne à l’écart de la violence.
Sous le signe de Spinoza
Laurence Hansen-Løve s’attaque tout d’abord à l’illusion tenace qui consiste à croire que l’homme est le centre de l’univers. À quoi on pourrait répondre, avec Spinoza, que « l’homme n’est pas un empire dans un empire ». Pour le philosophe d’Amsterdam, aucune transcendance ne peut être trouvée dans le nature, de sorte que l’homme s’y trouve au même niveau que n’importe quel autre être, vivant ou non. Affirmer le contraire, c’est en rester aux préjugés anthropocentristes qui sont la source de l’ignorance et des guerres. L’autrice de l’ouvrage ajoute à ce principe que « la seule obligation morale est celle qui me prescrit de suivre ma propre nature, à la fois rationnelle et aimante puisque foncièrement éprise de toutes les formes de vie »
. À ce titre, il n’ y a aucune hiérarchie entre les créatures. Ensemble, elles forment un tout que l’on pourrait qualifier d’organique. (...)
Repenser le concept de désobéissance
Le diagnostic de Laurence Hansen-Løve est que le manque de débat et de participation est ce qui met aujourd’hui en crise la démocratie. Mais la crise est aussi, comme le dit son étymologie – du grec krinein, passer au crible, séparer, juger – un moment de décision : celui du passage de la théorie à l’action. Lorsqu’on fait face à une législation manifestement injuste, faut-il continuer à obéir ? Ne risque-t-on pas, ce faisant, de passer de l’obéissance à la soumission pure, et de rendre tout dialogue impossible ? Laurence Hansen-Løve se confronte à ce paradoxe, qui fait tendre l’obéissance vers l’aveuglement, et qui fait apparaître la désobéissance comme une libération. Car un excès d’obéissance peut conduire à « être en infraction avec sa propre conscience ». (...)
Vers une révolution bienveillante
Finalement, la difficulté principale réside dans l’habitude et la paresse de la raison, qui se satisfait bien trop vite de la répétition de l’identique comme critère logique de la vérité. Cette logique finit par ignorer ce qui relève du travail de l’imagination (...)
« Faire croire ce que nous savons »
, écrit Laurence Hansen-Løve. C’est là le sens de l’écriture de Planète en ébullition : s’adresser à la raison mais aussi à la sensibilité, car les hommes ne sont pas de purs automates doués de raison.