
La Commission européenne a précisé ses plans pour maîtriser les niveaux record de migration irrégulière atteignant les côtes de l’Union européenne (UE), mais certaines questions restent en suspens : comment, quand et dans quelle mesure les propositions vont-elles être appliquées ?
Voici un aperçu des principaux enjeux et des obstacles potentiels :
Programme de réinstallation
L’agenda européen en matière de migration, rendu public il y a deux semaines, prévoit un programme de réinstallation à l’échelle de l’UE concernant 20 000 réfugiés sur deux ans, en plus des 5 000 à 6 000 réfugiés que les États membres accueillent annuellement à l’heure actuelle.
On ignorait jusqu’alors si le programme allait être volontaire ou obligatoire, mais les précisions publiées mercredi dernier ont clarifié le fait que la participation des États membres serait « volontaire ».
Compte tenu de l’opposition à toute forme d’immigration affichée par nombre de pays de l’UE, il est hautement improbable qu’ils choisissent d’appliquer le programme.
(...) Relocalisation des demandeurs d’asile arrivés par la Grèce et l’Italie
La proposition a pour objectif de soulager la pression à laquelle sont soumis les États situés en première ligne – l’Italie et la Grèce – en relocalisant 40 000 demandeurs d’asile vers d’autres États membres sur deux ans. Elle repose sur le déclenchement d’un mécanisme d’urgence inédit, visant à maîtriser l’afflux soudain aux frontières extérieures de l’UE. (...)
« Le mécanisme de relocalisation proposé vise une répartition équitable de la charge migratoire », a dit le commissaire européen aux Affaires intérieures et aux Migrations, Dimitris Avramopoulos, mercredi dernier. « Moins ambitieux, le programme n’aiderait pas l’Italie et la Grèce ; plus ambitieux, il ne serait pas accepté par les autres États. »
Le Royaume-Uni et le Danemark qui, avec l’Irlande, ont le choix de s’associer ou non aux traités de l’UE, ont déjà fait savoir qu’ils ne participeraient pas au programme de relocalisation. Pour les autres États membres, la participation sera obligatoire si – et cela reste très hypothétique à ce stade – le Conseil européen en décide ainsi (pour cela, il faudrait que 55 pour cent des États membres représentant au moins 65 pour cent de la population de l’UE votent en ce sens). (...)
Plusieurs pays ont contesté les critères employés par la Commission pour déterminer le nombre de demandeurs d’asile que chaque État membre devra accueillir, notamment la taille de la population, le PIB, le taux de chômage et le nombre de demandes reçues. (...)
Pour les groupes de défense des droits de l’homme comme l’ECRE, l’absence de prise en compte des circonstances individuelles des demandeurs d’asile est source d’inquiétude. Selon la proposition, ces derniers n’auront pas leur mot à dire quant au choix du pays qui les recevra, et vers lequel ils seront renvoyés s’ils tentent d’en sortir. (...)
Le programme de relocalisation ajoutera une étape supplémentaire au processus de filtrage des migrants. Après un premier filtrage en Italie ou en Grèce, les demandeurs devront ensuite se soumettre à une procédure de détermination de leur statut dans leur pays de relocalisation. M. Pollett a souligné que certains États membres accordent un statut de réfugié à part entière aux Syriens et aux Érythréens, tandis que d’autres ne leur offrent qu’une protection subsidiaire ou humanitaire, limitée dans le temps et leur conférant souvent moins de droits.
Il y a lieu de s’interroger sur l’efficacité de la proposition pour soulager la pression endurée par l’Italie et la Grèce. (...)
Tandis que la Commission presse les États membres de plaider en faveur d’une meilleure répartition de la charge migratoire, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l’UE veulent lancer une campagne militaire à l’encontre des réseaux de passeurs opérant depuis la Libye.
Les ministres de l’UE ont approuvé le plan, qui prévoit la saisie et la destruction des embarcations utilisées par les passeurs avant que n’y soient embarqués des migrants. Mais le recours à des forces militaires est soumis à une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui n’a pas encore été votée.
Des documents détaillant le plan de l’UE ont fuité, dans lesquels est souligné « le risque important de dommages collatéraux, notamment de pertes humaines ». Il y est en outre reconnu que le fait de perturber les flux migratoires en Méditerranée centrale risque d’accentuer ces derniers dans d’autres régions, notamment en Méditerranée orientale (la route entre la Turquie et la Grèce). (...)
Les détracteurs du plan ont pointé du doigt à la fois ses insuffisances pratiques – la difficulté de distinguer les bateaux des passeurs de ceux des pêcheurs – et son impact sur les migrants qui n’ont guère d’autre choix que de faire appel à des passeurs.
Amnesty International a averti que mettre fin aux activités des passeurs « contribuerait effectivement à piéger les migrants et les réfugiés en Libye, et à les exposer à de graves violations des droits de l’homme ».
Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, s’est lui aussi déclaré inquiet à la perspective d’une opération militaire.
Cependant, pour des pays comme le Royaume-Uni, la France et l’Espagne, le plan militaire est plus attrayant que la proposition de la Commission d’accepter ne serait-ce qu’un petit nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile supplémentaires. (...)