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Enjeux et débats
Quelle réforme des retraites soutenable à l’ère de l’anthropocène ?
Article mis en ligne le 13 décembre 2019

Le système économique, financier, productiviste et de plus en plus inégalitaire qui s’accélère depuis le milieu du 20ème siècle n’est plus soutenable. Il a fait entrer l’humanité dans l’ère de l’anthropocène, comme le montrent les scientifiques du GIEC, de l’IPBES, les anthropologues, les sociologues. Les prévisions du rapport Meadows qui tirait la sonnette d’alarme en 1972 se sont toutes confirmées. Alors même que ces prévisions ne prenaient pas en considération les incidences du changement climatique !

Sauf à nous désintéresser de l’état du monde que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants, nous avons le devoir non seulement de nous informer, mais d’exiger les changements auxquels nos sociétés doivent procéder. Des dizaines de conférences enregistrées permettent de s’informer très facilement. Parmi les vidéos de ces conférences, voir celles de Jean-Marc Jancovici, de Gaël Giraud, d’Aurélien Barrau, de Pablo Servigne, de Jean Jouzel, de Cyril Dion ...

Ceci nous impose, sans échappatoire possible, de changer intégralement et aussi vite que possible nos modes de consommation, de production, ainsi que l’échelle des revenus. Seule une réduction drastique des inégalités, des consommations excessives et donc des revenus permettra un système économique et social soutenable. La seule voie est celle de la sobriété heureuse parce que solidaire et consentie.

Nos systèmes de protection sociale doivent donc revenir à beaucoup plus de solidarité, après des décennies vers toujours plus d’individualisation. Or, le système par points tel que proposé dans la réforme Macron c’est moins de solidarité et plus d’individualisation que le système actuel. (...)

Examinons les principaux aspects de réforme et la pertinence des arguments du gouvernement.

« Pour les retraites il faut aller vers un système universel plus simple »

Effectivement, la complexité du système est telle que moins d’un Français sur 100 (hormis les fonctionnaires) comprend comment sera calculée sa retraite et quel sera son montant (retraite de base, plus les différents retraites complémentaires). Les changements de profession beaucoup plus fréquents que dans le passé justifient également que l’on fasse converger les 42 régimes actuels.

Mais il y a plusieurs voies possibles pour aller vers un système universel. Par exemple en décidant d’aller progressivement vers un système unique pour tous les salariés dans lequel « la pension de retraite sera de 75% du salaire annuel moyen des 10 meilleures années ». Avec la possibilité de piloter le système en ajustant, l’un ou l’autre de ces 2 chiffres. Ce serait moins angoissant, plus simple, plus transparent et plus solidaire que la réforme hyper inégalitaire proposée.

Un système intégralement par points qui combine justice et solidarité n’est pas impossible, car tout dépend du mode d’acquisition des points que l’on choisit. Le pire étant celui annoncé, car il perpétuera à la retraite les écarts insensés de salaire que l’on connaît aujourd’hui et qui ne sont pas soutenables écologiquement. L’acquisition des points pourrait ne pas être basée uniquement sur le nombre d’euros cotisés, donc sur le salaire. Mais, par exemple, sur le temps de travail. Avec ce mode d’acquisition des points, ceux qui travaillent entre 50 et 70 heures par semaine (agriculteurs, directrices et directeurs d’école, artisans, ...) acquerraient légitimement un nombre de points en adéquation avec leur temps de travail. Le temps de travail des salariés des salariés à 35 heures dans les métiers pénible, étant majoré par un coefficient de pénibilité.

Le fait que la valeur du point puisse être pilotée ou régulée n’est pas, en soi, un principe à refuser. Au contraire plus on avancera dans les temps difficiles, plus un pilotage de la valeur du point sera nécessaire. Mais devra être basé sur la solidarité. (...)

Prétendre que le système par points sera plus adapté aux parcours professionnels du monde d’aujourd’hui, bon courage à ceux qui tenteront d’en faire la démonstration aux uberisés toujours plus nombreux, aux auto-entrepreneurs, ...

« Aucune pension de retraite ne baissera ... Personne ne sera perdant ... »

C’est impossible, comme l’explique l’économiste Elie Cohen, pourtant proche du gouvernement, dans « Retraites : un triangle d’incompatibilité ». D’ailleurs beaucoup de salariés des fonctions publiques d’Etat, hospitalière et territoriale savent utiliser Excel. Et font eux-mêmes les simulations que le gouvernement refuse de leur communiquer.

« La valeur du point ne pourra pas baisser »

Cette vidéo de François Fillon de 2016 confirme que c’est un gros mensonge. En fait, souvent les politiques enfument les citoyens en jouant sur les mots. (...)

« La valeur du point sera indexée sur les salaires, ce qui est plus favorable que l’indexation actuelle sur les prix »

Pas besoin d’être économiste, pour estimer qu’au contraire, avec les bouleversements à venir, dans moins de 10 ans l’inflation augmentera beaucoup plus vite que les salaires.

« Le système de retraites sera déficitaire de milliards à l’horizon 2025 »

Voir les explications de l’économiste Henri Sterdiniak dans Rapport du COR : un déficit construit de toutes pièces

Si l’on remettait de nouveau des limites au droit à cumuler une pension élevée et un emploi, on économiserait quelques milliards d’euros chaque année. La réforme prévoit au contraire d’accroitre les inégalités qui découlent du cumul emploi/retraite, en permettant de poursuivre l’acquisition de points, ce qui n’est pas le cas jusqu’ici.

« Le système par points est le seul qui garantira un système de retraites pérenne pour nos enfants et petits-enfants »

Tous les systèmes de retraite intégralement en répartition offrent les meilleures garanties de pérennité. Peu importe qu’ils soient à points ou par annuités.

« Pour les cadres à hauts salaires, ils auront la liberté, pour la partie de leur salaire supérieure à 10 000 euros, à des systèmes complémentaires par capitalisation, ... »

L’argent ne se stockant pas, les droits acquis en cotisant à des systèmes par capitalisation, sont seulement des droits de tirage sur le PIB, donc la production dans 40 ans. Dans l’ère de l’anthropocène, Ni les économistes ni les banquiers ne peuvent prédire sérieusement le niveau du PIB dans 30 ou 40 ans. A l’ère de l’anthropocène, les systèmes par capitalisation sont plus que jamais un mirage. (...)

Par contre, plafonner les cotisations à 10 000 euros de salaire, comme c’est en gros le cas dans le système actuel, et fixer une cotisation de solidarité au delà de 10 000 euros va plutôt dans le bon sens.

Alors, quels axes de réforme pour un système de retraite plus simple, plus solidaire et donc plus soutenable ?

La seule solution pour démêler le vrai du faux dans la communication gouvernementale est de commencer par bien « Comprendre comment fonctionne notre système de retraites actuel - 82 diapos ».

Sur la base des constats et des quelques pistes proposées dans cette contribution, on peut développer de nombreuses propositions pour réforme qui intégrerait ces objectifs. (...)