
Des combattants russes basés en Ukraine ont conduit une opération armée dans la région de Belgorod, du côté russe de la frontière entre les deux pays. Ces incidents mettent en lumière l’opposition armée au régime Poutine, des groupes hétéroclites comprenant des franges néonazies.
Une bande du territoire russe d’environ 30 kilomètres carrés qui échappe au contrôle de l’État central. Des rebelles russes basés en Ukraine qui apportent la guerre dans leur pays d’origine. Le pouvoir russe qui instaure localement un régime d’exception antiterroriste pendant 24 heures et clame avoir repoussé et « écrasé » les assaillants. La situation restait confuse, mercredi 24 mai, dans la région de Belgorod, entre la frontière avec l’Ukraine et le village de Grayvoron, mais ces incidents ont remis en lumière l’opposition armée au régime de Poutine réfugiée en Ukraine, galaxie hétéroclite comprenant des franges néonazies. « On est toujours [dans la région de Belgorod – ndlr] et on continue », déclarait mardi après-midi à Mediapart, Alexeï Baranovski, qui appartient à la branche politique d’une des deux milices impliquées.
Lundi 22 mai, des combattants ont franchi la frontière à bord de véhicules blindés et se sont emparés de plusieurs localités russes. Tout est mis en œuvre « pour expulser les saboteurs ukrainiens […] et détruire ce groupe », réplique alors le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Neuf localités ont dû être évacuées en raison des violents affrontements. Les combats ont fait un mort parmi les civils, d’après les autorités locales, qui ont accusé les hommes armés d’utiliser des pièces d’artillerie, des lance-roquettes multiples et des drones. Moscou a déployé des hélicoptères.
Deux groupes ont revendiqué cette action spectaculaire : la légion Liberté de la Russie et le Corps des volontaires russes (RDK). « Nous sommes aussi russes que vous, nous sommes des gens comme vous. Nous voulons que nos enfants grandissent en paix et soient libres de voyager, d’apprendre. […] La Russie sera libre ! », lancent les hommes en uniforme de Liberté de la Russie dans une vidéo filmée sur place. (...)
Le gouvernement ukrainien ne s’est pas départi de son habituelle ambiguïté dès lors qu’il s’agit d’attaques sur le sol russe, que ses alliés voient d’un très mauvais œil, redoutant qu’elles nourrissent une escalade incontrôlable. (...)
Le gouvernement ukrainien ne s’est pas départi de son habituelle ambiguïté dès lors qu’il s’agit d’attaques sur le sol russe, que ses alliés voient d’un très mauvais œil, redoutant qu’elles nourrissent une escalade incontrôlable. (...)
Le Financial Times et le New York Times ont jeté le trouble en révélant mardi 23 mai que les rebelles avaient utilisé des blindés de conception américaine, sans qu’on sache comment ils avaient fini entre leurs mains.
Trois groupes armés d’opposition
L’opposition russe armée se compose de trois groupes principaux : la mystérieuse Armée nationale républicaine (NRA), qui mène des actions de sabotage et des attentats en Russie, la Légion Liberté de la Russie et le Corps des volontaires russes. Elles sont toutes les trois liées par la déclaration d’Irpin, signée conjointement le 31 août 2022 dans la ville martyre à l’ouest de la capitale ukrainienne, même si le Corps des volontaires russes revendique une plus grande autonomie.
Ce Corps des volontaires russes (RDK), fondé en août 2022, est le plus radical, avec une direction ancrée à l’extrême droite la plus dure. Denis Kapustin, alias Denis Nikitin, alias « White Rex », le chef, est un hooligan néonazi et suprémaciste blanc. (...)
Tous les combattants du RDK ne sont pas des nationalistes d’extrême droite. Ils ont en commun de vouloir porter le combat contre le régime sur le sol russe et par les armes. Leur principal fait d’armes était jusqu’ici une incursion dans la région de Bryansk, en mars. Les autorités régionales avaient annoncé la mort de deux civils. « Ils n’arriveront à rien, nous les écraserons », avait alors promis Poutine. Kyiv s’était déjà gardé de revendiquer tout rôle dans cette incartade. Plus récemment, Nikitin s’est attribué la paternité d’une série d’attaques contre les voies ferrées afin d’enrayer la logistique de guerre russe.
En février, le RDK comptait environ deux cents combattants, en faisant une force anecdotique ramenée aux centaines de milliers de soldats de l’armée régulière ukrainienne qui affrontent les troupes russes en Ukraine, ou aux milliers de combattants étrangers de la légion internationale. Les liens entre le RDK et l’armée ukrainienne demeurent nébuleux, mais le RDK ferait partie de la légion internationale mise sur pied par Kyiv au lendemain de l’invasion. (...)
Le rôle du Civic Council
Ses recrues viennent notamment du Civic Council, une organisation « politico-militaire » installée à Varsovie qui a créé en novembre dernier un centre de mobilisation. (...)
« Nous n’excluons personne pour des motifs idéologiques. Les militants d’extrême droite étaient les premiers actifs, mais cela ne signifie pas que d’autres groupes ne peuvent pas se battre aux côtés de l’Ukraine », justifie Anastasia Sargeeva, qui cite un accord conclu avec des anarchistes et des groupes de gauche radicale, et rappelle les termes du manifeste adopté par l’organisation : « Le Civic Council adhère à la déclaration universelle des droits humains, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention européenne des droits de l’homme. »
La légion Liberté de la Russie, créée en mars 2022, se veut moins marquée idéologiquement. Sa branche politique est dirigée par l’ancien député de gauche à la Douma, Ilia Ponomarev, le seul à avoir voté contre l’annexion de la Crimée en 2014. (...)
« Nous n’excluons personne pour des motifs idéologiques. Les militants d’extrême droite étaient les premiers actifs, mais cela ne signifie pas que d’autres groupes ne peuvent pas se battre aux côtés de l’Ukraine », justifie Anastasia Sargeeva, qui cite un accord conclu avec des anarchistes et des groupes de gauche radicale, et rappelle les termes du manifeste adopté par l’organisation : « Le Civic Council adhère à la déclaration universelle des droits humains, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention européenne des droits de l’homme. »
La légion Liberté de la Russie, créée en mars 2022, se veut moins marquée idéologiquement. Sa branche politique est dirigée par l’ancien député de gauche à la Douma, Ilia Ponomarev, le seul à avoir voté contre l’annexion de la Crimée en 2014. (...)
Avec cette opération à Belgorod, Liberté de la Russie assure poursuivre son « objectif stratégique » : « Libérer la Russie, détrôner Poutine et bâtir un nouvel État », explique Alexeï Baranovski, l’un des responsables de la branche politique. (...)
L’opération conjointe de cette semaine avec le RDK est la conséquence d’une « alliance militaire » que les deux groupes rebelles viennent de conclure, précise Baranosvki, qui n’envisage pas la fusion entre les deux entités, et défend l’hétérogénéité de sa formation, alors qu’au moins un néonazi a été repéré dans ses rangs : « La légion regroupe des personnes de différentes opinions : de gauche, anarchistes, libéraux, nationalistes, apolitiques. La question c’est : est-ce qu’ils soutiennent Poutine ? Ou est-ce qu’ils ne le soutiennent pas ? »